Agir à la source pour la qualité de l’eau

20 août 2005 - La rédaction 
La réglementation européenne sur l’eau fixe un objectif clair à chaque État : atteindre le bon état écologique des eaux d’ici à 2015. Comment se traduit concrètement cette ambition sur le terrain ? Voyage au cœur de la région Adour-Garonne et rencontres avec les acteurs de la qualité de l’eau. Tous soulignent à la fois l’urgence de l’action et la difficulté à prendre le problème à la source.

“Nous avons obtenu pour la première fois sur la région un bilan 2004 qui devrait être diffusé à l’automne 2005. Il est sans surprise concernant la présence d’atrazine et de simazine (herbicides), bien qu’elles soient interdites depuis 2003, et révèle l’apparition de nouvelles molécules herbicides.” Ce constat, présenté par Sylvie Sarthou, chargée de mission sur les pollutions diffuses à la Diren Midi-Pyrénées (Direction régionale de l’environnement), est le fruit d’un travail de longue haleine, entrepris au sein du Gramip, ou Groupe régional d’action Midi-Pyrénées.

Selon Aline Comeau, sous-directrice de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, “les sources de pollutions ne sont pas spécifiques à l’agriculture.”

L’ensemble des acteurs de l’eau consultés

Cette structure de concertation, déclinaison régionale du plan national de lutte contre les phytos d’août 2000, est placée sous la responsabilité du préfet de région. Elle rassemble l’ensemble des acteurs concernés et est coanimée par les services déconcentrés du ministère de l’Écologie et de l’Agriculture : Diren et Draf. Le Gramip a élaboré le protocole d’identification des molécules à rechercher et les endroits à cibler. Car l’information de base coûte cher : de 300 à 400 euros pour l’analyse d’un groupe de molécules, contre 5 euros pour les nitrates. Depuis 2004, les observations portent sur 77 points en eau souterraine, deux fois par an et 59 points en eau superficielle, 6 fois par an, pour 39 molécules. Le bilan obtenu laisse supposer qu’il sera difficile de satisfaire aux exigences de la Directive cadre européenne sur l’eau d’ici à 2015. Si cette situation est anticipée par la Directive (des dérogations sont prévues sur justification jusqu’à 2021, voire 2027), elle reste difficile à expliquer au grand public. Lequel assimile volontiers la notion de risque de pollution à une pollution avérée.

Expliquer la différence entre risque et pollution avérée

Cette crainte s’exprime d’ailleurs très concrètement dans la prudence dont fait preuve le Gramip pour diffuser les résultats du bilan sur la contamination des eaux par les phytos en 2004. “Les sources de pollutions ne sont pas spécifiques à l’agriculture. D’où la problématique des indicateurs qui devraient aussi nous permettre de distinguer le risque de pollution et les pollutions réelles, et mieux en déterminer les sources”, reconnaît Aline Comeau, sous-directrice de l’Agence de l’eau Adour-Garonne. Elle n’en prône pas moins “un changement d’échelle dans la lutte contre les pollutions agricoles”. Cette ambition, partagée par tous les membres du Gramip, tarde cependant à se traduire sur le terrain.

Accélérer la mise en œuvre d’actions correctives

Le groupement régional a contribué à déterminer les zones et plans d’actions prioritaires dans les départements de Midi-Pyrénées. Ils couvrent de quelques hectares à plusieurs milliers. Reste maintenant à leur donner davantage d’ampleur. Une question de finances ? Pas vraiment, si l’on en juge par la réponse d’Aline Comeau : “L’enveloppe n’est pas forcément limitée par les moyens, mais plus par les projets”. Le montant annuel alloué, de l’ordre de 4 millions d’euros pour 22 départements, vient d’être réorienté. Les aides étaient consacrées essentiellement aux opérations de conseils généraux effectuées par les Chambres d’agriculture. Depuis 2005, elles peuvent appuyer l’ensemble des actions prévues dans les projets locaux, y compris certains investissements. Le montant de l’aide est passé de 25 %, à 50 % dans le cadre des actions locales de lutte contre les phytos en zones d’action prioritaire définies par le Gramip et 70 % dans le cas de bassins versants d’étude ! Pour autant, les candidats ne sont pas légion.

Sylvie Sarthou, chargée de mission sur les pollutions diffuses à la Diren : “Dresser un état des lieux des pollutions est le fruit d’un travail de longue haleine”.

Comment convaincre ?

Bertrand Bourgouin, adjoint au chef du service régional de la protection de végétaux/Draf exprime un point de vue tranché : “On ne passera à la reconquête de l’eau qu’en associant les technico-commerciaux des distributeurs de produits phytosanitaires, car ils sont très près des agriculteurs”. Reste à lever l’ambiguïté d’un conseil décerné par ceux-là même qui vendent les produits. “C’est le fond du problème, analyse Bertrand Bourgouin. Le chiffre d’affaires des distributeurs se fait sous l’angle de la quantité de produit, alors que le ministère de l’Agriculture se fixe comme objectif numéro un de réduire les phytos. Tout cela est en train de mûrir. Quelques groupes de distribution ont engagé une réflexion qui introduit dans leur activité la notion de service. Ils ne vendent plus de l’assurance tout risque visant à protéger au maximum les cultures, mais s’associent, via leurs technico-commerciaux, à un raisonnement global sur la conduite des cultures et un service payant.”
Chacun doit mettre un peu d’eau dans son vin. “Je suis confiante, commente Aline Comeau, sous-directrice de l’Agence de l’eau Adour-Garonne. Mais la rapidité de la mise en œuvre d’actions probantes dépendra beaucoup de la capacité des leaders agricoles à se faire entendre. Cela passe aussi par les médias. Ils doivent cesser d’opposer les uns aux autres. Tout l’enjeu est d’aller vite.”

Marc Martin, directeur céréales et vigne, coopérative Euralis (64)

“Les contrôles sont insuffisants”

Marc Martin, directeur céréales et vigne de la coopérative Euralis (64), note une prise de conscience croissante du monde agricole pour le respect de l’environnement mais estime que les contrôles inopinés sur le terrain ne sont pas assez nombreux : “Nous sommes demandeurs de ce type d’action. Ne serait-ce que pour montrer aux citoyens les bonnes pratiques agricoles et aussi pour éviter la distorsion de concurrence”. Certains seraient donc encore adeptes de pratiques douteuses. Autre souhait vis-à-vis des pouvoirs publics : “avoir un tableau de bord, avec des indicateurs environnementaux qui chaque année donnent un état des lieux précis de la qualité de l’eau. Ainsi nous pourrions noter les éventuels progrès et si besoin réajuster les conseils”.

A.D.

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