Agriculture raisonnée, des économies à la clé

20 janvier 2005 - La rédaction 
Gérer au mieux ses fertilisants, tant au niveau de leur stockage qu’au niveau de leur utilisation : un objectif que s’est fixé Benoît Collard, polyculteur-éleveur dans la Marne, motivé non seulement par la réduction de l’impact de son métier sur l’environnement, mais également par la recherche d’économies.

Benoît Collard n’a pas attendu la qualification agriculture raisonnée de son exploitation, obtenue en 2004, pour équiper ses cuves d’engrais liquide d’un bac de rétention : “La prise de conscience des risques sanitaires et environnementaux liés aux produits que nous détenons sur nos exploitations a commencé lorsque mes enfants ont atteint l’âge de pouvoir s’amuser avec leurs amis sur la ferme, explique-t-il. Ainsi, après avoir mis sous clé les produits phytosanitaires, je me suis vite penché sur le cas du fioul et sur celui de l’azote liquide”.Sécuriser le stockage des engrais

 

Sensibilisé par ailleurs par l’opération Tourbe Eau Pure démarrée en 1999 et animée par la Chambre d’agriculture, l’Agence de l’eau et seize communes des alentours de Suippes (Marne), l’exploitant prend pleinement conscience des risques environnementaux liés au stockage de l’azote liquide. “L’une de mes cuves était à l’époque installée sur une parcelle située sur un plateau et je me suis rendu compte que s’il y avait une fuite, l’azote liquide partait directement dans la rivière. J’ai alors décidé de ramener cette cuve sur le corps de ferme et d’installer mes deux cuves de 32 m3 chacune côte à côte, dans un bac de rétention. L’arrêté préfectoral ne me l’imposait pas puisque mon stockage ne dépassait pas 100 m3, mais la décision était prise de sécuriser ce stockage.”
Pour réduire les frais, Benoît Collard réalise le travail lui-même, avec l’aide d’un salarié et de son père. “L’intérêt est d’aménager ce qui existe déjà sur l’exploitation. Avant de se lancer dans les travaux, il faut donc bien réfléchir au but recherché, imaginer quelque chose de simple qui permette d’atteindre l’objectif, et bien choisir son site pour optimiser l’existant, explique-t-il. J’ai quant à moi profité d’une dalle présente sur le corps de ferme et déjà bordée de deux murs. Nous avons coulé une deuxième dalle pour sécuriser la première et monté deux murs afin d’obtenir un bac de rétention de près de 50 m3. Cela nous a pris une semaine à trois, pour un coût de 3 800 €. Faire les travaux soi-même réduit fortement les frais, d’autant qu’avec un artisan, on paye la couverture décennale dans la facture. Disposer d’une main-d’œuvre sur l’exploitation est donc fortement utile pour ce type de travaux.”
Aujourd’hui, Benoît Collard compte améliorer son installation en la couvrant avec une bâche : “Les cuves sont en effet à l’extérieur et le bac de rétention reçoit l’eau de pluie. Celle-ci diminue le volume de rétention et risque, à long terme, d’abîmer le béton”.
Pour les engrais solides, l’exploitant joue la carte du stockage minimum : 24 tonnes d’ammonitrate en big-bags (sacs de 500 kg ou plus) sont réceptionnées en février et entreposées sur du béton dans un hangar à part, le temps que les épandages soient terminés, soit au maximum jusqu’à fin mars ; le reste des engrais est acheté au fur et à mesure, un des silos de la coopérative étant situé dans le village même.

 Une analyse de terre tous les cinq ans

Avec une exploitation située en zone vulnérable, Benoît Collard est dans l’obligation d’élaborer un plan de fumure prévisionnel annuel. Ce plan permet la planification de la fertilisation en azote, phosphore et potassium pour chaque parcelle ou îlot de l’exploitation. Il regroupe l’ensemble des calculs permettant de prévoir cette fertilisation. L’exploitant s’est par ailleurs engagé dans un PMPOA (programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole). “Toute la fertilisation est alors raisonnée au plus près”, précise-t-il.
Une analyse de terre est réalisée tous les ans sur trois ou quatre parcelles pour que tous les îlots soient finalement analysés tous les cinq ans. Enfin, le fumier des volailles et des bovins est analysé tous les ans. Suffisamment solide, il est stocké en bout de champ, hors zones de captage, et est épandu au fur et à mesure avec un épandeur à disques de la Cuma (Coopérative d’utilisation de matériel agricole). “Après avoir pesé l’épandeur, on règle le débit et la vitesse afin de respecter les doses souhaitées : entre 10 tonnes/hectare et 15 tonnes/hectare pour le fumier de volaille et 20 tonnes/hectare pour le fumier de bovin.”
Pour réaliser ses plans de fumure prévisionnels, Benoît Collard se réjouit d’utiliser l’outil informatique : “Je saisis la culture, l’objectif de rendement, le devenir des résidus du précédent… et le logiciel, qui utilise les normes Comifer (Comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée), calcule les besoins de la plante. C’est un peu magique, et surtout rapide : en une heure et demie, j’obtiens tous mes plans de fumure. Et l’année suivante, après avoir saisi les rendements réels, le logiciel réajuste les données et me fournit les plans de fumure définitifs pour repartir sur une base plus proche de la réalité. Nous sommes bien loin des doses moyennes que l’on utilisait autrefois !”.

 Des cultures intermédiaires pièges à nitrates

La gestion de l’azote fait par ailleurs l’objet d’un soin tout particulier : l’exploitant implante des cultures intermédiaires pièges à nitrates (moutarde, phacélie, seigle, radis) sur 50 hectares, comme stipulé dans le contrat territorial d’exploitation (CTE) qu’il a signé en 2001. “Entre le pois et le blé, la culture intermédiaire n’est laissée en terre qu’un mois et demi, explique Benoît Collard. Avant les pommes de terre, elle est implantée en août et détruite fin novembre. Et avant betteraves, je la laisse jusqu’en janvier. Les analyses de reliquats azotés sont réalisées tard, au plus près des semis : au cours de la première quinzaine de février avant les orges et en mars avant les betteraves.” Et parce que les méthodes d’analyse Jubil et Ramsès réagissent parfois différemment selon le climat de l’année, l’exploitant utilise les deux outils.

 Des enregistrements profitables

Engagé depuis longtemps dans diverses démarches de contractualisation (production de semences, Label Rouge…), Benoît Collard est habitué à tout noter et conserver. Ses apports de fertilisants sont donc, comme toutes les autres interventions, enregistrés avec précision au moins toutes les semaines. “Le mieux est d’y passer cinq minutes tous les soirs, précise-t-il. Surtout lorsque les interventions se multiplient dans la même semaine ! On s’aperçoit vite que l’obligation d’enregistrer, qui est au départ perçue comme une contrainte, représente finalement un excellent outil de gestion : cela permet en effet de visualiser et de comparer, par parcelle, la fertilisation réalisée. Je me suis ainsi aperçu, entre autres, que les doses d’azote sur betteraves ont fortement baissé, sans nuire au rendement et en augmentant la richesse d’environ un demi-point. Les économies sont toujours appréciables, surtout lorsqu’elles sont associées à une meilleure prise en compte de l’environnement.”

Exigences nationales du référentiel

Fertilisation minérale et organique

1. Ne pas stocker d’engrais liquide dans un réservoir enterré.

2. Équiper les cuves de plus de 100 m3 d’engrais liquide d’un bac de rétention.

3. Équiper, dès leur installation, les nouvelles cuves de stockage d’engrais liquide d’une rétention étanche.

4. Disposer d’un stockage d’engrais minéraux solides sur une aire stabilisée, couverte, séparée.

5. Pour les élevages pouvant bénéficier du programme de maîtrise des pollutions d’élevage (PMPOA), s’être engagé dans la démarche.

6. Connaître les quantités d’effluents produites sur l’exploitation.

7. Stocker les effluents de l’élevage dans des conditions qui évitent tout écoulement direct dans le milieu naturel.

8. À compter de la qualification, ne réaliser de stockages au champ de fumier compact pailleux qu’en dehors des secteurs à risque.

9. Disposer du matériel d’épandage adapté aux types de fertilisants épandus.

10. Connaître les valeurs fertilisantes des engrais, des effluents d’élevage et des boues industrielles et urbaines utilisés.

11. En zone vulnérable, établir, chaque année, un plan prévisionnel de fumure pour les cultures de plein champ.

12. Enregistrer les apports de fertilisants par îlot cultural (date, type de fertilisant, azote, phosphore et potassium).

13. À compter de la qualification, participer, lorsqu’elles existent, aux actions collectives locales réduisant les impacts de la fertilisation sur l’environnement.

13bis. Dans les zones d’actions complémentaires, disposer d’une couverture automnale et hivernale des sols conformément au programme d’action de la directive nitrates.

14. Pour les effluents de l’élevage épandus dans d’autres exploitations, disposer d’un contrat spécifiant l’origine, la nature des effluents et les terrains concernés par l’épandage.

15. Pour les effluents d’élevage provenant d’autres exploitations, disposer du contrat liant l’exploitation au producteur des effluents et spécifiant l’origine et la nature des effluents et les terrains concernés par l’épandage.

16. Connaître l’origine et la nature des boues épandues, leur caractérisation, les modalités d’épandage et les terrains de l’exploitation concernés par l’épandage.

17. Disposer du contrat de mise à disposition des terres pour l’épandage des boues, ainsi que des bordereaux de livraison.

18. À compter de la qualification, exiger du producteur de boues résiduaires industrielles et urbaines épandues la fourniture des résultats d’analyse des boues et des sols concernés par l’épandage, conformes aux teneurs limites, et les conserver au moins dix ans.

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