Idéa, la méthode idéale ?

20 mars 2005 - La rédaction 
S’autoévaluer et apprécier la durabilité des exploitations agricoles, telle est la vocation de la méthode Idéa, l’un des outils expérimentés par Farre, en particulier sur l’exploitation de Serge Martin-Pierrat, viticulteur dans l’Hérault.

À Saint-Christol, une vingtaine de kilomètres au nord-est de Montpellier, Serge Martin-Pierrat exploite une propriété viticole familiale dans le cadre du réseau Farre (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement). Il en est le représentant agricole des cultures spécifiques (vigne-arbo) au conseil scientifique, composé d’une

La méthode Idea, expérimentée par Serge Martin-Pierrat évalue la durabilité des systèmes agricoles selon les axes agro-écologiques, socio-territorial et économique.

vingtaine de personnalités indépendantes qui ont pour mission l’approfondissement de la notion d’agriculture raisonnée, l’appui aux agriculteurs et la valorisation de l’expérience acquise.À ce titre, il a participé à l’évaluation de la méthode Idea, Indicateurs de la durabilité des exploitations agricoles (lire encadré ci-dessous), avant qu’elle ne soit testée chez d’autres agriculteurs du réseau Farre.
“Lors de l’assemblée générale de 2003, nous avons mené une réflexion sur la suite à donner à Farre, sachant que la qualification « agriculture raisonnée » était sur les rails”, explique Serge Martin-Pierrat. “On s’est dit qu’il ne fallait pas s’arrêter là, que Farre représentait un formidable outil pour continuer de progresser sur nos exploitations, ce que souhaitaient beaucoup d’agriculteurs.” De là est née l’idée de proposer aux membres du réseau une méthode d’autoévaluation, qui permette de prendre conscience des progrès à accomplir pour aller au-delà des simples bonnes pratiques agricoles.
Trois méthodes étaient disponibles : Idea, donc, Indigo et Diage (Diagnostic global d’exploitation). Les trois agriculteurs membres du conseil scientifique ont fait tourner chacune de ces méthodes dans leur exploitation.
Conclusions : la méthode Indigo s’est avérée très performante, mais très complexe à mettre en œuvre.

 

L’exploitation

• Domaine “Château des Hospitaliers”, situé à Saint-Christol, Hérault

• 27 hectares de vigne, dont 85 % en AOC Saint-Christol. 60 % du chiffre d’affaires est réalisé en vente directe à la propriété, 20 % à l’export et 20 % en grande distribution

• 4 hectares de fruitiers : cerise, abricot, pêche, pomme

 

Révéler les faiblesses et les marges de progression

À l’époque, cette méthode, encore à l’état expérimental, était à la fois beaucoup trop précise et incomplète, dans la mesure où elle ne prenait pas en compte l’approche socio-économique, mais seulement environnementale. Elle a évolué depuis et est beaucoup plus simple d’utilisation. La méthode Diage, elle, est tournée vers le contrôle d’un cahier des charges. “Cela ne nous apportait pas grand-chose dans la mesure où c’est ce que l’on fait déjà naturellement pour le respect du cahier des charges Farre”, explique Serge Martin-Pierrat. “Quant à la méthode Idea, poursuit-il, elle correspondait bien à ce que l’on recherchait : cette méthode globale d’évaluation de la durabilité des systèmes agricoles selon les axes agro-écologique, socio-territorial et économique, constitue un outil d’autoévaluation qui révèle les faiblesses techniques et les marges de progression possibles sur l’exploitation.”

Le plus important étant de savoir comment la méthode serait ressentie par les agriculteurs, il a été décidé de l’expérimenter chez une vingtaine d’agriculteurs du réseau Farre. Les résultats ont été globalement bons en environnement, correspondant aux bonnes pratiques de l’agriculture raisonnée, et en social, mais mauvais en économique. “Pour certains agriculteurs, il a été désagréable de constater que même avec des bonnes pratiques agricoles, on pouvait obtenir des mauvais résultats en termes de durabilité de l’exploitation, poursuit Serge Martin-Pierrat. En fait, les agriculteurs Farre sont à l’image de l’agriculture française, ils sont souvent très dépendants des aides européennes et connaissent un fort taux d’endettement.” Deux facteurs qui ne jouent pas en faveur de la durabilité…

 Critère de transmissibilité, maillon faible des exploitations

Le critère de transmissibilité des exploitations a contribué à plomber les résultats économiques. Compte tenu du renchérissement du coût du foncier et de l’augmentation de la taille des exploitations, ces dernières deviennent potentiellement de plus en plus difficiles à vendre ou à transmettre. “Le plus surprenant pour les agriculteurs était d’avoir une exploitation rentable mais qui, du fait de ce critère de transmissibilité, n’était pas jugée économiquement durable sur le long terme”, note-t-il. Ce sont là les limites de la méthode Idea dont les critères de base de calcul n’ont pas évolué depuis longtemps, ce qui fausse quelque peu les résultats. Par exemple, le calcul des coûts du foncier ne correspond plus à la réalité actuelle. L’intérêt du réseau Farre pour cette méthode pousse déjà ses initiateurs à la faire évoluer.

 Avant tout un outil pédagogique

L’hypothèse principale de la méthode repose sur l’idée qu’il est possible d’évaluer la durabilité d’un système agricole à travers l’ensemble de ses caractéristiques (techniques, spatiales et humaines), en les quantifiant. En pondérant ensuite les informations obtenues puis en les agrégeant selon des règles précises, on obtient un score ou une performance globale, reflet plus ou moins fidèle d’une situation réelle.
“Il faut considérer cette méthode comme un outil pédagogique, tient à préciser Serge Martin-Pierrat. Il s’agit plus de prendre conscience de réalités jusque-là inconnues que de définir de nouvelles orientations pour la gestion de l’exploitation. Son utilisation est préconisée dans le cadre d’une démarche volontaire d’autoévaluation.”
Sur ce point, notre interlocuteur explique tout le bien que cette évaluation peut faire chez certains agriculteurs qui voient ainsi leur travail reconnu à l’heure où de plus en plus ont des doutes sur leur profession. Les bons résultats obtenus à la suite des évaluations Idea les confortent dans leur démarche de bonnes pratiques. Une forme de reconnaissance d’autant plus importante pour ceux qui n’ont pas de retour des consommateurs sur la qualité de leur production.
En ce premier trimestre 2005, le conseil scientifique du réseau Farre devait tirer les conclusions de ces vingt premiers essais afin de voir comment faire évoluer la méthode Idea avant de l’appliquer chez l’ensemble des agriculteurs Farre. Restait également à définir à quel rythme. Selon Serge Martin-Pierrat, “faire tourner la méthode tous les trois ou quatre ans serait une bonne cadence, car on se situe alors sur de longues échelles de temps, pendant lesquelles les changements sont plus significatifs”. L’échelle de la durabilité en somme…

 

Explication de texte

 La méthode Idea (Indicateurs de durabilité des exploitations agricoles) constitue un outil de diagnostic pour une agriculture écologiquement saine, socialement équitable et économiquement viable, les trois piliers de l’agriculture durable. Celle-ci se réfère explicitement au concept de développement durable, c’est-à-dire qu’elle possède une approche planétaire et éthique qui dépasse la simple production agricole.

L’outil Idea repose sur une évaluation quantitative de pratiques jugées favorables au milieu biophysique et social. La méthode comporte trois échelles de durabilité, indépendantes et non cumulatives : agro-écologique (un système agricole est durable s’il est capable de maintenir indéfiniment son potentiel productif en prélevant le moins possible de ressources naturelles) ; socio-territoriale (l’insertion de l’agriculture dans son territoire et dans la société est un gage de sa durabilité) et économique (au-delà de l’indispensable viabilité économique à court terme, les systèmes agricoles doivent également réfléchir aux choix technico-économiques, financiers et juridiques qui engagent le long terme).

Elle analyse les forces et les faiblesses du système de production et reste avant tout un outil pédagogique qui n’exprime aucun jugement de valeur, mais aide à réfléchir. L’objectif étant de déboucher sur une appréciation de la durabilité de l’exploitation.

Pour en savoir plus, lire “La méthode Idea – Guide d’utilisation”, de Lionel Vilain, Educagri Éditions, 2003.

D.C.

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