Nouvelles biotechnologies : accélérateurs de l’innovation génétique

20 avril 2016 - La rédaction 
Le 7 avril s'est tenue une audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Recherche, encadrement, statut juridique, potentiel agronomique, utilisations en médecine, enjeux éthiques : les nouvelles biotechnologies apparaissent révolutionnaire mais doivent être bien évaluées.

Plusieurs techniques de retouche génomique ont été développées au cours des vingt dernières années. La plus récente date de 2012 et révolutionne déjà les mécanismes de sélection. Il s'agit de la technique « Crispr-Cas9 », déjà très médiatisée. Cette méthode apporte une réelle révolution dans la sélection en réduisant les coûts et les délais de manière considérable. Les semenciers utilisent de nombreuses autres biotechnologies autrement appelées New plant breeding technologie (NPBT). Le Haut conseil des biotechnologies (HCB) a publié en février 2016 une note qui décrit ces techniques d'éditions du génome.

De leur côté,  les parlementaires ont décidé de se forger son avis sur ces nouvelles biotechnologies car la Commission européenne devra donner une interprétation juridique de leur classification : sont-elles ou non des OGM ?  Représentants de la recherche publique et privée, professeurs en médecine, sociologues, politologues, économistes… étaient réunis le 7 avril 2016 à l'occasion d'une audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) organisée par le député Jean-Yves Le Déaut et la sénatrice Catherine Procaccia. Au-delà de la performance des méthodes de NPBT, les deux parlementaires soulèvent des questions économiques et éthiques.

« Nous avons trente ans de recul avec les OGM, a souligné le député Jean-Yves Le Déaut, qui a présidé députés l'audition organisée par l'OPECST. La stratégie qui prédomine est celle qui oppose les industriels aux anti-OGM et cela a conduit à une paralysie réglementaire. On a fait des lois pour ne pas cultiver des OGM mais en importer ». Son souhait : « Sortir d'une approche binaire ».

Le nécessaire temps de la recherche
Le champ d'application des NPBT est considérable. Pour Jean-Claude Pagès, professeur en médecine et président du comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies, on peut provoquer une cassure du génome et observer les conséquences de la réparation. On peut aussi changer une séquence et apporter une variation génétique, comme ce serait le cas dans la nature, ou introduire un gène exogène dans une plante. Le travail en cours du HCB est de qualifier ces modifications et voir si elles peuvent s'intégrer dans le cadre réglementaire. « Ce qui est compliqué dans le dernier cas », a-t-il souligné.

De son côté, Yves Bertheau, directeur de recherche à l'Inra et au Muséum d'histoire naturelle, estime que « la discipline d'édition du génome possède une panoplie de techniques pas toutes complètement maitrisées. Que ce soit Cripr-cas 9, Talens, il faut prendre son temps pour évaluer et laisser la société civile décider ». Il ajoute : « On parle actuellement du plat, pas de la cuisine… ». Eric Marois, chargé de mission à l'Inserm de Strasbourg parle de mutagenèse dirigée dans le cadre du programme qui a permis de rendre stériles des moustiques. Pour développer de tels systèmes, il juge important de bien différencier les espèces invasives, auxquelles on pourrait appliquer ce moyen de lutte, aux espèces autochtones afin de ne pas déséquilibrer les écosystèmes. Il pose la question d'un nécessaire encadrement, de la mise au point d'une stratégie d' « antidotes ».

Un potentiel en agronomie
En agronomie, le projet français Breedwheat réunissant des partenaires publics et privés a été lancé en septembre 2011. Aux États-Unis, une pomme de terre résistante au froid, un blé résistant à un champignon ou encore des vaches sans cornes sont déjà au stade de l'application. Michel Griffon, chercheur agronome et économiste, estime que ces techniques peuvent être inscrites dans le cadre d'une agriculture agro-écologique si elles apportent des mutations qui auraient pu se faire dans le cadre du vivant. Il voit un potentiel pour la résistance aux stress climatiques ou ceux liés aux ravageurs et parasites. Il met aussi en exergue la prudence sur la diffusion. Allusion faite aux risques de déploiement de phénomènes de résistances d'un ravageur par exemple.

Enjeu international
La technique fait déjà l'objet de dépôt de brevets, impliquant donc la présence de droits de propriété industrielle suite à son utilisation. André Choulika, pdg de Cellectis, interroge de son côté sur l'avenir de la recherche en Europe : « Si nous bloquons, nous allons revenir à la préhistoire de la recherche ». Et demande pourquoi une focalisation sur Crispr-cas 9 : « d'autres technologies que nous développons comme Talens sont bien plus efficaces ». Quant au champ d'investigation lié aux questions d'éthique, il est considérable. Jean-Claude Ameisen, médecin et président du comité consultatif nationale d'éthique, met en perspective la question des régulations internationales liées à ces techniques, notamment en médecine.

Crispr/Cas9, qu'est-ce que c'est ?
Le complexe Crispr/Cas9 (pronocez : krɪspəʳ) tire son nom de l'association d'une séquence d'information génétique nommé Crispr et d'une protéine, Cas9. Cette association est un « ciseau moléculaire ». Il permet de couper l'ADN à un endroit très précis. Une fois sectionné, l'ADN peut faire l'objet de modifications (inhiber certains gènes, couper des séquences entières, en introduire de nouvelles,…). L'information « où couper » est plus facilement modifiable dans le complexe Crispr/Cas9 que dans les autres « ciseau moléculaire » qui existent déjà. C'est ce qui fait que cette méthode a été nommée « découverte capitale de l'année 2015 » par le magazine Science. 

Laisser un commentaire

Recevoir la newsletter

Restez informé en vous abonnant gratuitement à la newsletter