Quelles recherches sur la biodiversité ?

1 février 2005 - La rédaction 
La biodiversité est définie comme la diversité des organismes vivants appréhendée à tous les niveaux : diversité génétique à l'intérieur des espèces (polymorphisme génétique, variations alléliques, …), diversité des espèces dans les communautés d’organismes, diversité des écosystèmes et des organismes vivants qu’ils hébergent. La particularité de l'INRA, institut de recherche finalisée, est de mener, parallèlement aux études portant sur la biodiversité "sauvage", les recherches s'intéressant également à la biodiversité "domestique", construite par l'homme depuis la naissance de l'agriculture, de la foresterie ou de l'aquaculture.

Inventorier et élaborer des indicateurs pour mesurer la biodiversité

Les connaissances scientifiques sur la biodiversité restent fragmentaires. En effet, pour certaines familles d’organismes ou dans certains milieux, on ne sait pas très bien la mesurer et la quantifier. Par exemple, le sol, dont la biodiversité est représentée en grande partie par des microorganismes, se prête mal à un inventaire car on peut difficilement dénombrer les êtres vivants qui y vivent.
Une des priorités de la recherche dans le domaine de la biodiversité est donc d’élaborer des méthodes fiables de mesure de la biodiversité. A cette fin et pour différencier les espèces et leur variabilité, la taxonomie et la systématique associent aux outils descriptifs traditionnels (rénovés par l’analyse d’image) de nouveaux outils moléculaires (génomique, etc.).
L’INRA a de forts investissements dans ces champs de recherche, surtout concernant les espèces d’intérêt agricole (plantes, animaux, micro-organismes) et les écosystèmes naturels ou peu anthropisés (champs, prairies, forêts, zones humides, sols…).
La conception de ces outils fiables et durables pour mesurer la biodiversité sont indispensables pour connaître, notamment, l’impact des techniques utilisées en agriculture sur la biodiversité.

Dynamique de la biodiversité et rôle dans les écosystèmes

La biodiversité est en constante évolution et on commence à avoir de plus en plus de preuves que cette biodiversité est corrélée au fonctionnement dans et entre les écosystèmes et à leur productivité (par exemple transferts de matière, d’énergie…). Les questions scientifiques essentielles auxquelles les chercheurs doivent répondre sont :

  • y a-t-il une relation causale entre biodiversité et fonctionnement ou productivité des écosystèmes ?
  • quel est le rôle de la biodiversité dans l’évolution et l’adaptation des écosystèmes aux changements climatiques ou autres perturbations ?
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Les réponses à ces questions ne pourront être obtenues qu’en développant des recherches interdisciplinaires associant biologistes, agronomes, physicochimistes des milieux, modélisateurs, …
Les agroécosystèmes constituent des terrains d’expérimentation «maîtrisables» en écologie au même titre que certains écosystèmes particuliers tels que fromage, intestins ou bioréacteurs. La maîtrise expérimentale de ces écosystèmes par les chercheurs de l’INRA les implique fortement dans des recherches portant sur ces questions et en particulier sur l’évolution et l’adaptation des écosystèmes.
La biodiversité, c’est aussi l’existence d’organismes en interaction directe avec les végétaux et les animaux. Ces interactions peuvent être négatives (organismes pathogènes ou ravageurs) ou positives (bactéries fixatrices d’azote, mycorhizes…).

Les recherches menées à l’INRA dans ce domaine sont importantes et se font à deux niveaux :

  • la compréhension des mécanismes moléculaires qui gouvernent ces interactions (comme la résistance aux pathogènes),

     
  • le déchiffrage des réseaux d’interaction et d’interdépendance entre les espèces qui structurent les communautés d’organismes.
  • Dans les deux cas, les connaissances qui en sont issues sont appliquées à la protection des organismes d’intérêt agronomique (plantes, animaux, insectes utiles…) permettant ainsi une économie d’intrants de type pesticides.
     

Les valeurs de la biodiversité

Depuis des millénaires, les hommes se sont efforcés d’organiser l’espace et d’utiliser la diversité du monde vivant pour répondre aux besoins de la société en alimentation, chauffage (haies, forêts…), vêtements (lin, coton, laine, soie…), soins (plantes médicinales)…. Outre cette valeur d’usage, la biodiversité offre une valeur potentielle, avec la possibilité qu’au sein des millions d’espèces restant à découvrir et à analyser, on trouve le gène ou la molécule susceptible de résoudre un problème actuel ou futur. Elle présente également une valeur sociale et culturelle à travers les activités de loisirs (cueillette, pêche, tourisme…) ou par le plaisir qu’éprouvent les millions d’observateurs de la nature (ornithologues, entomologistes amateurs).

La biodiversité : à la fois menacée et préservée par l’homme

On assiste à une érosion accélérée de la biodiversité. Parmi les causes d’origine humaine : l’urbanisation, l’aménagement du territoire, l’industrialisation, l’agriculture, le tourisme ou l’exploitation par cueillette, pêche, commerce des animaux… peuvent être néfastes pour la biodiversité. On cite souvent l’intensification et l’organisation de l’agriculture comme un facteur important de la transformation des communautés d’êtres vivants et des milieux, favorisant des écosystèmes, des cycles biologiques et des espèces plus productives parfois au détriment d’autres espèces. L’aménagement rural peut également jouer un rôle négatif : drainage et assèchement des zones humides, irrigation, remembrement ou création de routes…

Le réchauffement climatique pourrait également constituer une cause majeure de perte de diversité car la modification trop rapide des paramètres climatiques condamne les espèces qui ne peuvent s’adapter ou migrer assez rapidement.
Les échanges internationaux favorisent l’introduction d’espèces envahissantes ou de pathogènes exotiques qui modifient l’état des écosystèmes. Les travaux de l’INRA, en collaboration avec d’autres organismes de l’Etat (Services de la protection des végétaux…), visent à mettre au point des outils pour détecter ces organismes de façon précoce et limiter leur expansion, voire la prévenir. De nouvelles maladies ou espèces envahissantes sont ainsi étudiées à l’INRA : la mineuse du marronnier, la graphiose de l’orme, la chrysomèle du maïs, le virus du Nil…
L’homme peut être à l’origine d’une sélection de biodiversité qui s’avère négative (par exemple sélection de pathogènes résistants aux pesticides ou aux médicaments vétérinaires, sélections de races de pathogènes agressives vis-à-vis de variétés résistantes…). Les recherches de l’INRA dans ce domaine sont extrêmement importantes puisqu’elles visent à connaître les mécanismes moléculaires et populationnels à l’origine de cette sélection et à les utiliser pour empêcher l’expansion de ces nouveaux organismes.
L’action de l’homme n’est pas toujours négative : les activités humaines, à leur façon, créent aussi de la biodiversité. Ainsi l’agriculture a engendré la création de nouvelles variétés de plantes, de nouvelles races animales, et de nouveaux ferments pour l’industrie agro-alimentaire…
Les espaces gérés par les agriculteurs (les 2/3 du territoire en France) peuvent générer ou tout au moins favoriser une biodiversité. Les paysages ruraux et leurs agencements particuliers créés par l’homme hébergent une flore et une faune importantes : bocages, prairies, marais, chemins, murets, lisières, bosquets, réseaux hydrauliques, jachères…

Dans notre pays, les prairies permanentes jouent un rôle très important pour la biodiversité. C’est dans ces prairies, par exemple les pelouses calcaires ou les parcours méditerranéens, que l’on trouve la majorité des espèces végétales précieuses de France. Leurs sols abritent également une biodiversité remarquable et insuffisamment connue.

Préserver et gérer la biodiversité

La protection de la biodiversité fait partie des objectifs de recherche de l’INRA, objectif d’autant plus impérieux que la disparition d’espèces ou d’écosystèmes peut avoir un caractère irréversible. Deux grands modes de préservation de la biodiversité co-existent :

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  • la mise en place volontaire de collections dites ex-situ : c’est-à-dire que les espèces sont prélevées de leur milieu pour être conservées ou multipliées dans des banques ou des collections créées spécialement (sans oublier les collections d’insectes et les herbiers).
  • la préservation des espèces et des écosystèmes par une gestion adéquate de l’espace, dite préservation in-situ.
     
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La préservation volontaire (ex-situ) : banques et collections

La création de banques et de collections répond à un double objectif pour l’INRA : la préservation du patrimoine biologique et la possibilité d’augmenter la biodiversité par la création de nouvelles variétés et races.
Que regroupent les collections de ressources génétiques ?
Pour une espèce sauvage non domestiquée, la notion de ressources génétiques regroupe l’ensemble des populations naturelles de l’espèce et des espèces apparentées, représentant la biodiversité naturelle de l’espèce.
Pour une espèce domestiquée, c’est-à-dire soumise à une sélection par l’homme, on trouve une diversité de matériel. Par exemple, pour les plantes : des populations de pays, des variétés anciennes et modernes, des plantes issues de croisements, des lignées porteuses de caractères particuliers (résistance aux maladies, stérilité mâle…).
L’INRA a une expertise et un savoir-faire uniques dans la connaissance et la gestion des ressources génétiques végétales : il s’est résolument engagé dans la mise en place de Centres de Ressources Génétiques en 2001. Des moyens importants ont permis de professionnaliser le dispositif : sécurisation du stockage des semences à basse température, amélioration de la multiplication des espèces pour éviter les pollutions génétiques (pour les choux, le tournesol, le melon…), protection des collections contre les maladies.
Concernant les ressources génétiques animales, l’INRA intervient en tant que membre du GIS Cryobanque nationale, participant ainsi à la sauvegarde du matériel biologique de 12 races bovines, 22 races ovines, 6 races caprines, 10 races d’équidés (chevaux et ânes confondus), 1 race cunicole, 5 races porcines et 4 races avicoles. Les deux objectifs sont : la préservation de la diversité génétique de ces espèces, et la reconstitution ultérieure de populations en cas de besoin.

Il faut citer également les collections de pathogènes ou symbiotes à des fins expérimentales (microorganismes phytopathogènes ou zoopathogènes, protozoaires, nématodes…). Ces banques d’organismes sont des outils indispensables aux chercheurs de l’INRA pour connaître le comportement de ces organismes dans leur milieu et les mécanismes d’interactions qu’ils ont avec leur hôte, afin de mettre au point des méthodes de lutte.

La gestion des écosystèmes (in-situ)

Politiques communautaires de protection de la biodiversité… La biodiversité est abordée au fil des ans dans de multiples textes relevant de la politique environnementale européenne : la directive “habitats, faune, flore” et “Natura 2000”, la directive “bio-sécurité et OGM et conservation des ressources génétiques d’intérêt agronomique”, la loi-cadre sur l’eau, la directive sur les nitrates…
Les activités telles que l’agriculture, la sylviculture et la pêche sont tout spécialement concernées du fait de la nature de leurs relations avec l’espace et la nature des technologies utilisées. La réforme de la PAC de 2003 adopte une optique de conditionnalité des aides à des critères environnementaux ce qui constitue une évolution politique significative. L’INRA mène des recherches sociologiques sur la mise en œuvre de ces directives et mesures politiques en vue d’éclairer la décision publique. Par exemple, le groupe de travail Grenat, coordonné par l’INRA a examiné le fonctionnement du réseau Natura 2000 en France et a formulé des recommandations auprès du gouvernement pour une mise en place la plus efficace possible.

Vers de nouveaux modèles de production agricole

Nos concitoyens sont de plus en plus préoccupés par les pressions que l’agriculture exerce sur l’environnement et la biodiversité. Cela peut les conduire à mettre en cause la légitimité et les modalités des soutiens publics qui leurs sont attribués.
Face à cette situation, il est important de revoir les concepts de production agricole de façon à savoir dans quelle mesure la connaissance du fonctionnement des agroécosystèmes basée sur des concepts, méthodes et technologies modernes peut intervenir dans leur gestion et économiser voire remplacer l’utilisation d’intrants et de techniques ayant un impact négatif sur l’environnement et la biodiversité. Ces questions constituent des objectifs stratégiques pour les chercheurs de l’INRA.
Ainsi la désintensification, qui s’appuie sur des recherches menées à l’INRA dans les années 80, est définie comme la recherche d’un nouvel équilibre économique basé sur la réduction du niveau d’intrants à niveau de travail constant et une acceptation de rendements inférieurs.
Dans la même optique, l’INRA a lancé en 1999 un programme spécifique de recherche sur l’agriculture biologique. Les recherches portent sur la compréhension des processus en œuvre dans ce type de production agricole et des impacts sur l’équilibre écologique et l’environnement.
En 2005, l’INRA met en place deux grands programmes fédérateurs, ouverts à l’ensemble de la communauté scientifique compétente. Leurs orientations ont été définies après consultation des parties prenantes intéressées : Pouvoirs publics, représentants des professionnels, des gestionnaires et du monde associatif. Le programme ECOGER (Ecologie pour la Gestion des Ecosystèmes et de leurs Ressources) a pour objectif de produire les connaissances nécessaires au pilotage des écosystèmes cultivés. Il traite d’une question majeure pour la dynamique de la biodiversité, sa conservation et sa valorisation. C’est celle de l’adaptation des individus, des populations et des communautés vivantes aux pressions associées aux usages des écosystèmes, aux techniques de production et aux changements globaux. Le programme Agriculture et Développement Durable vise quant à lui à concevoir des systèmes de production et de gestion des ressources des territoires ruraux valorisant leurs atouts socio-économiques et leurs qualités environnementales. Il s’intéresse en particulier aux interactions entre processus socio-économiques, techniques et écologiques qui déterminent le devenir de la biodiversité. L’analyse du rôle des politiques publiques et la conception de systèmes innovants pour la gestion du patrimoine biologique font partie de ses priorités.
Il existe un intérêt à entretenir des systèmes diversifiés dans le temps et dans l’espace pouvant s’adapter à différents scénarios d’évolution de l’agriculture. C’est tout le sens des recherches menées par l’INRA.

L’INRA est à l’origine ou participe à plusieurs grands programmes et groupements fédérateurs sur la biodiversité

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  • L’INRA est membre fondateur et établissement gestionnaire de l’Institut Français de la Biodiversité (IFB), créé à la demande des Pouvoirs publics et des organismes de recherche en décembre 2000 pour coordonner, animer et faire connaître les recherches dans le domaine de la biodiversité, en réponse aux nombreuses sollicitations des chercheurs, des gestionnaires de milieux, et de la société. C’est un Groupement d’Intérêt Scientifique qui regroupe 18 membres.
    http://www.gis-ifb.org/
  • L’INRA a eu un rôle central dans la création du Bureau des Ressources Génétiques (BRG), né en 1983 de la volonté des Pouvoirs publics de se doter d’une structure particulière pour élaborer et conduire une politique nationale en matière de ressources génétiques animales, végétales et des micro-organismes, permettre la concertation de tous les acteurs et disposer des expertises indispensables au plan national et international, dans ce domaine. Le BRG est un groupement scientifique qui organise la concertation au plan national et met en œuvre la stratégie en résultant, élaborée avec le concours de tous les acteurs dans ce domaine et transcrite dans la Charte Nationale pour les Ressources Génétiques.
    http://www.brg.prd.fr/
  • L’INRA est partie prenante du réseau des centres de ressources biologiques (CRB) qui sont un élément essentiel de l’infrastructure sur laquelle s’appuient les biotechnologies. Ce sont des centres de ressources spécialisées qui acquièrent, valident, étudient et distribuent des collections d’organismes cultivables (cellules microbiennes, végétales, animales et humaines…), des parties réplicables de ces organismes (génomes, plasmides, banques d’ADNc…) et d’organismes viables mais non encore cultivables. Les CRB peuvent aussi détenir des échantillons biologiques non renouvelables : tissus, fragments de tissus, sérums… La plupart des CRB maintiennent des bases de données qui sont accessibles aux utilisateurs potentiels.
    http://www.crb-france.org/
  • L’INRA est membre fondateur de la Charte Nationale pour la gestion des ressources génétiques. Cette charte s’applique à toutes les ressources génétiques dont la responsabilité de conservation incombe à la France (métropole, départements et territoires d’outre-mer), pour les espèces animales, végétales et microbiennes d’intérêt agricole, industriel, économique, scientifique, social et culturel, gérées et exploitées par l’homme. La Charte Nationale intègre un important volet Recherches pour consolider les bases scientifiques des dispositifs de gestion des ressources génétiques préconisés pour le long terme. La Charte Nationale résulte d’un travail collectif ayant mobilisé de très nombreux partenaires (publics, privés et associatifs) en France. Elle traduit leur volonté d’apporter leur concours à la gestion durable de ce capital génétique.
    http://www.brg.prd.fr/brg/chartes/Charte.pdf
  • L’INRA joue un rôle majeur au sein du GIP ECOFOR, Groupement d’Intérêt Public dont la thématique est celle des écosystèmes forestiers – créé en 1993 et renouvelé pour dix ans en 2003. Il a pour objectif le développement de programmes de recherche sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers. La programmation est aujourd’hui organisée d’une part autour de l’Observatoire de Recherche en Environnement, qui fédère les sites-ateliers de recherche, et d’autre part autour de thèmes plus ciblés comme la biodiversité et la gestion forestière ou les modifications de l’environnement.
    http://www.gip-ecofor.org/
  • L’INRA est également partenaire du GIS Silvolab-Guyane créé en décembre 1992 pour la recherche sur l’écosystème forestier tropical humide en Guyane française, via l’unité de Kourou. Les recherches portent sur : la structure, la dynamique et le fonctionnement de l’écosystème forestier guyanais, l’écologie et la diversité génétique d’espèces particulières, l’utilisation et la gestion durable des ressources et des milieux : exploitation du bois, chasse, agriculture, plantations et réhabilitation de terrains dégradés.
    http://kourou.cirad.fr/silvolab/index.html

     

 

L’effort de recherche de l’INRA sur la biodiversité en chiffres

Sur un budget de recherche total de 463 millions d’euros,
l’INRA consacre près de 100 millions d’euros aux études sur ou pour la biodiversité soit 21 %
(frais de fonctionnement et équipement, et masse salariale – données 2003)

1400 personnes mènent ces études dans les laboratoires de l’INRA
Les principales recherches de l’INRA contribuant aux études sur ou pour la biodiversité portent sur :

– les forêts, les milieux naturels, l’hydrobiologie, la faune sauvage,
– la génétique végétale et la santé des plantes
– la génétique animale, la physiologie et la santé animale,
– la microbiologie
– les systèmes agraires, l’économie et la sociologie rurales.

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