Réduire les risques des pesticides

20 novembre 2005 - La rédaction 
Le colloque “Pesticides : comment réduire les risques associés ?”, qui s’est tenu au centre de conférence du Palais des papes d’Avignon, du 14 au 16 novembre 2005, a fait le point sur les différentes recherches menées depuis 1999 dans le cadre du programme “Évaluation et réduction des risques liés à l’utilisation des pesticides”.

À la demande du ministère chargé de l’Environnement, l’Institut français de l’environnement avait réalisé en 1998 le premier état national relatif à la présence de pesticides dans les eaux. Bien qu’imparfait, ce bilan établissait sans conteste la présence de ces substances chimiques à des niveaux de concentrations potentiellement dommageables pour les écosystèmes et la santé humaine. Fort de ce constat, le ministère chargé de l’Environnement a encouragé les recherches en appui aux politiques publiques. C’est ainsi que ce programme de recherches “Évaluation et réduction des risques liés à l’utilisation des pesticides” a été lancé en 1999 en lien avec le ministère de l’Agriculture et des instituts techniques comme l’Acta, le Cetiom et Arvalis-Institut du végétal. Au total, plus de 80 équipes de recherche sont ou ont été impliquées dans ce programme qui comporte trois volets : développer les connaissances sur la dynamique des pesticides dans l’environnement (eau, sol et air) ; évaluer les effets chroniques des pesticides sur les écosystèmes ; développer de nouvelles pratiques agricoles visant à réduire l’usage des pesticides. Le colloque d’Avignon a fait le point sur les avancées enregistrées dans chacun de ces trois volets.

La rencontre d’Avignon aura permis de réunir différents acteurs autour de cet objectif : tenter de réduire l’usage des pesticides, et donc réduire les risques associés.

Jusqu’à 40 % de volatilisation

En l’absence de données fiables en France, l’étude des phénomènes de transfert et de transport des pesticides dans l’atmosphère constituait un point prioritaire du premier volet. Il ressort des différents projets de recherche que le transfert des pesticides vers l’atmosphère, qui conduit évidemment à une perte par rapport aux quantités apportées à l’application, s’effectue sous formes de gaz et de particules qui peuvent être transportées à courte, moyenne ou longue distance. Ainsi, les quantités volatilisées peuvent représenter, après six jours, jusqu’à 40 % de la dose initialement appliquée. Il a été aussi mis en évidence une relation directe entre les concentrations en pesticides dans l’atmosphère et dans les eaux de pluie et les périodes d’application. La contamination de l’atmosphère observée est d’origine nationale (seule une petite proportion des organochlorés est susceptible de provenir d’un transfert à longue distance du fait de leur persistance). Pour la majorité des molécules les moins persistantes, notamment pour celles relativement volatiles et à faible temps de demi-vie dans l’atmosphère comme l’alachlore et la trifluraline, la contamination est saisonnière et limitée aux échelles locales et régionales. (Le temps de demi-vie est le temps nécessaire à la métabolisation ou l’élimination de la moitié de la quantité d’un produit chimique).

Des effets difficiles à évaluer

L’évaluation des effets des pesticides doit s’effectuer en amont de l’utilisation, c’est-à-dire avant que les produits ne soient homologués et mis sur le marché (démarche a priori) et une fois qu’ils sont utilisés (démarche a posteriori). Vu qu’il existe un cadre réglementaire pour la mise en marché, James Devillers, du Centre de traitement de l’information scientifique (CTIS) de Rillieux-la-Pape, a rappelé l’intérêt de telles recherches : “l’évaluation réglementaire a des limites, la principale étant la nécessité d’autoriser une seule formulation commerciale à la fois, pour des usages précis, mais à des concentrations maximales par hectare, sans tenir compte des quantités totales utilisées”. Cela étant, il précise que malgré de nombreux travaux, il demeure difficile de mettre en évidence de façon formelle les relations de causalité entre l’utilisation de ces substances, l’exposition des organismes et l’apparition d’éventuels effets écotoxicologiques : “dans la nature, il existe de multiples sources d’incertitudes dans la caractérisation des effets écotoxicologiques des pesticides, a-t-il ajouté. Les effets observés peuvent aussi bien être directs (mort des individus exposés), qu’indirects (destruction d’habitats, de ressources alimentaires…). En outre, de nombreux facteurs peuvent parfois interagir avec les effets des pesticides : l’altération physique et chimique des sols, la présence d’autres contaminants, les modifications du régime hydrique, l’évolution des pratiques agricoles, les introductions d’espèces, les changements globaux (climat), etc.”.Enfin, se pose la question de la pertinence de l’analyse des substances considérées individuellement sachant que les milieux naturels sont presque toujours sujets à de multiples expositions : apports par ruissellement ou drainage, application de différents produits dans des intervalles de temps réduits par exemple. Mais aussi par la pratique courante de l’application d’un mélange de produits dans la cuve de pulvérisation.

Meilleure connaissance de l’écotoxicité

Au bilan, les recherches auront permis d’acquérir des connaissances nouvelles sur l’écotoxicité des substances modèles étudiées (chlorpyrifos, deltaméthrine, fomesafen, diquat…), d’améliorer ou de développer certaines méthodes d’analyse chimique des pesticides et de tester la réponse de divers outils de diagnostic environnemental. Pour mieux valoriser les résultats, Thierry Caquet, de l’Inra de Rennes, qui préside le conseil scientifique de ce programme, a plaidé pour une plus grande association, dans les projets de recherche, des utilisateurs des produits finaux de la recherche (instituts techniques par exemple).

Application : limiter les usages de pesticides

La dernière demi-journée du colloque était consacrée à l’exposé des méthodes alternatives visant à limiter la lutte chimique. Selon Jean-Marc Meynard, directeur de recherche à l’Inra de Grignon, “tout a concouru depuis les années soixante au développement de la solution chimique : une panoplie phytosanitaire de plus en plus étendue, des matières actives de plus en plus efficaces, des matériels d’épandage de plus en plus performants et une compétence croissante des agriculteurs et de leur encadrement technique concernant l’usage des pesticides.” Résultat : les techniques associées à la recherche d’un rendement élevé ont rendu la réussite de la culture totalement dépendante de la réussite des traitements phytosanitaires. Pour réduire, voire supprimer, l’usage des pesticides, Jean-Marc Meynard a rappelé la panoplie des moyens techniques, théoriquement très large : résistances génétiques ou induction de résistances, lâchers d’auxiliaires, réduction des populations des bio-agresseurs par la diversification des espèces cultivées, etc. Pour obtenir une efficacité satisfaisante, il faut combiner ces différentes solutions et les compléter parfois par une protection chimique réduite : tel est l’esprit de la protection intégrée des cultures, en faveur de laquelle le manque cruel de politiques publiques incitatives a été déploré par de nombreux intervenants.

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