Sylviculture : la forêt à l’heure des choix

7 septembre 2018 - La rédaction 
Depuis des décennies, la France s'interroge sur son modèle agricole. Le film Le Temps des forêts en salle le 12 septembre transpose le débat à la forêt : la filière bois peut-elle concilier économie et écologie ?

Le Temps des forêts, sortie le 12 septembre

Chaque seconde, seize promeneurs pénètrent dans une forêt en France (1), mais rares sont les randonneurs qui savent la décrypter. Un peu comme en agriculture, un paysage bucolique cache des pratiques, un système foncier et une économie souvent ignorés. La France, troisième pays européen pour sa surface boisée, s’intéresse finalement peu à sa filière bois, qui de son côté reste plutôt discrète.

Agriculture-sylviculture: mêmes interrogations

François-Xavier Drouet, 38 ans, réalisateur du long métrage Le Temps des Forêts, avoue lui-même qu’une fois installé sur le plateau de Millevaches en Limousin, il lui a fallu du temps pour réaliser la situation : « J’ai compris que les grands massifs de résineux n’avaient rien de spontané. La biodiversité sous ces conifères étaient très pauvres. »

Il a donc embarqué sa caméra dans le Morvan, les Vosges, les Landes et en Alsace pour rencontrer des forestiers, des bûcherons, des propriétaires solo ou réunis en coopératives et des agents de l’ONF (Office National des Forêts), des scieurs… Le film aurait pu être plus pédagogique si l’auteur avait indiqué d’emblée l’identité et la profession des interlocuteurs (on ne les découvre qu’en fin de générique). Néanmoins, il met en images et en paroles le dilemme qui agite encore le monde paysan et gagne la sylviculture : quelle exploitation voulons-nous demain ? Un champ d’arbres ou un espace respectueux de la biodiversité ?

Mal-forestation, mode d’emploi

D’emblée l’auteur le reconnaît : « La France ne souffre pas de déforestation, puisque les arbres gagnent du terrain. Mais de mal-forestation, un terme signé Marc Lajara, lanceur d’alerte de l’association Nature sur un Plateau. La mal-forestation est une façon de gérer la forêt en l’adaptant aux besoins de l’industrie au lieu de respecter le milieu naturel. Le massif des Landes pratique ce modèle depuis le XIXe siècle. »

François-Xavier Drouet n’avance pas de données pour évaluer la part de monoculture intensive en forêt privée. Même flou statistique concernant le mode d’exploitation des domaines publics. L’auteur montre seulement le malaise des agents de l’ONF provoqué, selon lui, par le parti-pris productiviste de l’organisme.

Éviter les coupes rases

Ce film militant pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Comme en agriculture, mais avec dix ans de retard, on peut imaginer qu’une prise de conscience des propriétaires privés va s’amplifier. D’ores et déjà, de nombreux gestionnaires, souvent réunis en associations comme le Réseau pour les alternatives forestières, revoient leurs pratiques en évitant les coupes rases qui épuisent les sols. Ils privilégient une sylviculture en continuum. C’est le cas de Hans Kreusler par exemple, qui associe différentes essences d’arbres -chênes, érables, charmes…-, de tous âges, et prohibe l’usage des phytosanitaires. Il opère des coupes dites jardinatoires ne prélevant que quelques arbres au fur et à mesure de leur arrivée à maturité.

En quête d’un label

On le comprend : la forêt n’est pas qu’une addition de mètres cube de bois. Elle filtre le CO2, préserve les réserves d’eau, accueille les promeneurs, les ramasseurs de champignons, les chasseurs quand il y a du gibier…

Hélas, il n’existe pas de labels aussi puissants et populaires que le label AB en agriculture pour inciter à la pratique d’une sylviculture respectueuse. François-Xavier Drouet espère que ce film interpellera la multitude de petits propriétaires forestiers, ainsi que les randonneurs du dimanche, afin qu’ils posent un regard différent sur les arbres.

Marie Nicot

(1) source : le site Consoglobe

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