Derrière la hausse des ventes de pesticides en 2018, plusieurs explications et tendances

8 janvier 2020 - Stéphanie Ayrault 
Les chiffres de ventes de pesticides sur l'année 2018 ont été présentés le 7 janvier par le gouvernement. Ils font état d'une hausse de 23 % par rapport à ceux de 2017. Une évolution importante, qui doit toutefois être interprétée à la lumière de certaines tendances plus fines.

Davantage de pesticides ont été vendus en 2018, dans le secteur agricole français, qu’en 2017. Les quatre ministres en charge du plan Ecophyto (1), visant à réduire le recours à ces produits, l’ont annoncé le 7 janvier. La hausse des quantités de substances actives, indicateur de suivi des ventes, se situe à +23 % selon le gouvernement. Un chiffre qui interpelle forcément, quand les pouvoirs publics s’efforcent de créer une dynamique inverse depuis la première mouture d’Ecophyto, en 2008. La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne évoque elle-même l’échec de ce plan : « La politique mise en œuvre depuis désormais plus de dix ans ne produit pas les résultats espérés, dans le secteur agricole. Ceci doit nous conduire à réinterroger, en profondeur, cette politique. » Didier Guillaume, de son côté, maintient malgré tout l’objectif de -50 % des utilisations de pesticides en 2025.

Pesticide acheté ne veut pas dire pesticide utilisé

Agnès Buzin, Élisabeth Born, Didier Guillaume et Frédérique Vidal annoncent les chiffres de ventes de pesticides sur 2018.

Sans nier la tendance haussière, plusieurs voix, dans le monde agricole, insistent pour la contextualiser. Un certain nombre d’agriculteurs ont acheté plus de produits que nécessaire sur 2018, afin d’anticiper l’augmentation au 1er janvier 2019 de la redevance pour pollution diffuse, appliquée aux pesticides. Tous les produits achetés n’ont donc pas été utilisés, certains ayant ainsi été pris « en réserve ».

Quant aux utilisations elles-mêmes, elles se justifient en partie par des conditions climatiques, en 2018, qui ont favorisé les maladies fongiques au printemps et les insectes durant l’été, contre lesquels sont appliqués respectivement les fongicides et les insecticides. Autre nuance apportée : si le succès du label bio provoque une baisse d’usage des produits de synthèse, il accentue le recours à certains pesticides comptabilisés dans le total, à base de soufre ou de cuivre.

Volumes de pesticides en baisse sur 20 ans, selon l’UIPP

L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) présente de son côté des chiffres différents de ceux du gouvernement, avec une hausse des ventes limitée à 8 % par rapport à 2017. La structure explique cet écart par l’utilisation de données différentes : le gouvernement comptabilise les ventes des firmes aux distributeurs, l’UIPP les ventes des distributeurs aux agriculteurs. Ces transactions interviennent l’une après l’autre, ce qui peut expliquer qu’à un instant T, les deux chiffres ne soient pas raccord.

De plus, l’UIPP ne compte que les ventes de ses firmes adhérentes, qui représentent 96 % du marché en valeur. Les ventes de certains produits, notamment via d’autres circuits et les plus génériques, comme le soufre ou le glyphosate, peuvent ainsi être minimisées alors que ce sont les deux matières actives les plus commercialisées. L’UIPP, enfin, affirme que « sur une période longue, la décrue de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques se poursuit avec une baisse de plus de 40 % en 20 ans », soit 68 000 tonnes vendues en 2018 contre 120 000 tonnes en 1999.

D’autres tendances à souligner

Si le secteur cherche à nuancer le constat, c’est pour éviter les conclusions lapidaires sur une agriculture incapable de réduire son recours aux pesticides. Derrière le chiffre affiché, plusieurs tendances plus fines se dégagent. Les ventes de solutions de biocontrôle augmentent de 20 % entre 2017 et 2018. Le nombre et les quantités des substances les plus préoccupantes diminuent : elles ont baissé de 15 % pour les produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques classés 1 (CMR 1) et de 9 % pour les CMR 2 entre les périodes 2009-11 et 2016-18 (1).

Le décollage de la signature Haute valeur environnementale (HVE) et celui du bio, avec +13 % d’agriculteurs convertis en 2018, donnent d’autres indices sur l’évolution du secteur. Plus anecdotique, l’augmentation d’audience des sites web de partage des connaissances sur la transition agroécologique est malgré tout soulignée par le gouvernement. La plateforme EcophytoPic a accueilli +45 % de visiteurs entre 2017 et 2018.

(1) Les ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique, de la Santé, de la Recherche

8 commentaires sur “Derrière la hausse des ventes de pesticides en 2018, plusieurs explications et tendances

  1. Encore à la hausse ! rien de surprenant quand on observe autour de soi.
    L’agrandissement ( toujours ! ) des exploitations ( et non des fermes -à ne pas confondre – ) conduit inévitablement à un recours toujours plus important des ‘béquilles ” “cides ”
    Il faut au plus vite, retrouver une vraie agri-culture et alors nous pourrons espérer vraiment un changement durable et profitable pour tous…..Hélas,ce n’est pas notre politique agricole qui va nous y conduire ,bien au contraire.
    Un peu plus de courage monsieur le ministre,surtout si vous désirez rester dans les anales de l(histoire ! ?

    1. Vous avez fait exprès d’écrire “anales” et non “annales” ? Amusant. Le trou du cul de l’Histoire.
      L’article montre très bien que les choses ne sont pas aussi simples que votre “y a qu’à retrouver une vraie agriculture”. Quant à considérer qu’un ministre peut tout arranger, vous y croyez encore, vous ? Si c’était le cas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus de problème.
      C’est avant tout à chacun d’entre nous d’agir tous les jours avec ses petits moyens et sa meilleure conscience.

      1. Merci,mon ami Jeff pour votre réaction à ma faute involontaire et impardonnable ! (?).Je suis cependant certain que la plupart des lecteurs auront compris le sens de ma phrase car la place du mot erroné ne pouvait qu’accepter un nom et pas un adjectif. Tout cela amusant ,bravo !
        Je relève une instabilité dans votre lecture car l’expression de facilité dont vous m’affublez -“y a qu’à “- n’y figure point, mais ‘il faut ” – nuance.
        En effet,je suis un vieux paysan praticien qui,il y a plus d’un demi siècle,a réfléchi sur le sens profond de son activité et la signification originelle des termes utilisés pour l’identifier,ce qui m’a conduit à l’agriculture dite biologique,….il y a déjà 52 ans !
        Malgré les nombreuses “flechettes et boulets rouges”que j’ai du esquiver,je suis aujourd’hui assez fier du résultat de mon choix : nous avons vécu et élevé nos quatre enfants gràce seulement aux productions de nos terres ( pas de salaires ni de rentes tombées du ciel ),et même arrivés à intéresser les jeunes à continuer sur la même voie, dans un pays profond – peut être” le trou du cul”du monde -( pour reprendre vos termes )- où l’activité terrienne n’est pas particulièrement facile !
        Mais ,dans ce “trou du cul “du monde ,ion peut y rencontrer encore, des humains heureux et satisfaits par leur travail agraire….et prets à vous faire découvrir de magnifiques panoramas et humer des senteurs enivrantes , oui!,même dans ce “trou du cul “……du monde !!
        Quant à ma croyance pour nos ministres,il y a bien longtemps que j’ai découvert qu’ils n’étaient ,bien souvent,que des marionnettes manipulées par “les gros sous”…..qui avaient peut être servi de tremplin pour l’acces au ministère …..??Cela ne les dédouane pas quant à afficher clairement leur volonté d’action…afin( peut être) de rester aux aNNales.
        Je termine et vous invite à venir découvrir sur le terrain la véracité de mes propos car je suis certain qu’autour d’un verre nous pourrons nous comprendre si chacun a la volonté d’avancer.
        Pour le contrôle : Si mon texte est trop long pour être publié, pouvez vous le transmettre à Jeff ? Merci .

    2. La taille des exploitations ne conditionne pas l’utilisation des pesticides. On peut parfaitement mettre en place des conduites d’exploitation, en agroécologie (agri de conservation des sols, agroforesterie, restauration de paysages avec haies, bosquets, etc…), des itinéraires culturaux plutôt vertueux, etc, sur des exploitations de grande taille. Il faut en avoir la volonté, il faut essayer de pratiquer en groupes, etc. Ces conduites d’exploitation peuvent être “conventionnelles” (terminologie courante mais ne voulant rien dire), en “raisonné”, en HVE de différents niveaux. Elles peuvent être “bio” (en sachant alors que le recours à certains fongicides (bouillie bordelaise, soufre) est pondéreux est augmente le tonnage de pesticides des statistiques (paradoxe à assumer). Elles peuvent aussi tendre vers l’économie circulaire… Bref, tout comme les fermes de jadis… Tout comme les petites unités familiales encore existantes ont intérêt également à viser ces objectifs.
      Cela dit, vous avez raison sur un point : celui de la spécialisation végétale d’une partie du territoire agricole français. Dans les années 50 et encore 60 la “polyculture-élevage” était encore importante et il est probable qu’aujourd’hui, bien des “céréaliers” (pour simplifier) souhaitent faire pâturer les couverts végétaux plutôt que les affaiblir au glyphosate avant semis sans travail profond du sol…

  2. Encore à la hausse ! rien de surprenant quand on observe autour de soi.
    L’agrandissement ( toujours ! ) des exploitations ( et non des fermes -à ne pas confondre – ) conduit inévitablement à un recours toujours plus important des ‘béquilles ” “cides ”
    Il faut au plus vite, retrouver une vraie agri-culture et alors nous pourrons espérer vraiment un changement durable et profitable pour tous…..Hélas,ce n’est pas notre politique agricole qui va nous y conduire ,bien au contraire.
    Un peu plus de courage monsieur le ministre,surtout si vous désirez rester dans les anales de l(histoire ! ?

    1. Vous avez fait exprès d’écrire “anales” et non “annales” ? Amusant. Le trou du cul de l’Histoire.
      L’article montre très bien que les choses ne sont pas aussi simples que votre “y a qu’à retrouver une vraie agriculture”. Quant à considérer qu’un ministre peut tout arranger, vous y croyez encore, vous ? Si c’était le cas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus de problème.
      C’est avant tout à chacun d’entre nous d’agir tous les jours avec ses petits moyens et sa meilleure conscience.

      1. Merci,mon ami Jeff pour votre réaction à ma faute involontaire et impardonnable ! (?).Je suis cependant certain que la plupart des lecteurs auront compris le sens de ma phrase car la place du mot erroné ne pouvait qu’accepter un nom et pas un adjectif. Tout cela amusant ,bravo !
        Je relève une instabilité dans votre lecture car l’expression de facilité dont vous m’affublez -“y a qu’à “- n’y figure point, mais ‘il faut ” – nuance.
        En effet,je suis un vieux paysan praticien qui,il y a plus d’un demi siècle,a réfléchi sur le sens profond de son activité et la signification originelle des termes utilisés pour l’identifier,ce qui m’a conduit à l’agriculture dite biologique,….il y a déjà 52 ans !
        Malgré les nombreuses “flechettes et boulets rouges”que j’ai du esquiver,je suis aujourd’hui assez fier du résultat de mon choix : nous avons vécu et élevé nos quatre enfants gràce seulement aux productions de nos terres ( pas de salaires ni de rentes tombées du ciel ),et même arrivés à intéresser les jeunes à continuer sur la même voie, dans un pays profond – peut être” le trou du cul”du monde -( pour reprendre vos termes )- où l’activité terrienne n’est pas particulièrement facile !
        Mais ,dans ce “trou du cul “du monde ,ion peut y rencontrer encore, des humains heureux et satisfaits par leur travail agraire….et prets à vous faire découvrir de magnifiques panoramas et humer des senteurs enivrantes , oui!,même dans ce “trou du cul “……du monde !!
        Quant à ma croyance pour nos ministres,il y a bien longtemps que j’ai découvert qu’ils n’étaient ,bien souvent,que des marionnettes manipulées par “les gros sous”…..qui avaient peut être servi de tremplin pour l’acces au ministère …..??Cela ne les dédouane pas quant à afficher clairement leur volonté d’action…afin( peut être) de rester aux aNNales.
        Je termine et vous invite à venir découvrir sur le terrain la véracité de mes propos car je suis certain qu’autour d’un verre nous pourrons nous comprendre si chacun a la volonté d’avancer.
        Pour le contrôle : Si mon texte est trop long pour être publié, pouvez vous le transmettre à Jeff ? Merci .

    2. La taille des exploitations ne conditionne pas l’utilisation des pesticides. On peut parfaitement mettre en place des conduites d’exploitation, en agroécologie (agri de conservation des sols, agroforesterie, restauration de paysages avec haies, bosquets, etc…), des itinéraires culturaux plutôt vertueux, etc, sur des exploitations de grande taille. Il faut en avoir la volonté, il faut essayer de pratiquer en groupes, etc. Ces conduites d’exploitation peuvent être “conventionnelles” (terminologie courante mais ne voulant rien dire), en “raisonné”, en HVE de différents niveaux. Elles peuvent être “bio” (en sachant alors que le recours à certains fongicides (bouillie bordelaise, soufre) est pondéreux est augmente le tonnage de pesticides des statistiques (paradoxe à assumer). Elles peuvent aussi tendre vers l’économie circulaire… Bref, tout comme les fermes de jadis… Tout comme les petites unités familiales encore existantes ont intérêt également à viser ces objectifs.
      Cela dit, vous avez raison sur un point : celui de la spécialisation végétale d’une partie du territoire agricole français. Dans les années 50 et encore 60 la “polyculture-élevage” était encore importante et il est probable qu’aujourd’hui, bien des “céréaliers” (pour simplifier) souhaitent faire pâturer les couverts végétaux plutôt que les affaiblir au glyphosate avant semis sans travail profond du sol…

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