Désaccord majeur des filières agricoles françaises sur le Mercosur

23 juillet 2019 - Laure Hänggi 
L'accord conclu, mais qui doit encore être ratifié, entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, suscite les craintes des filières agricoles françaises, qui ont exprimé leur inquiétude lors d'une audition au Sénat le 18 juillet. Les produits importés depuis ces pays sont en effet encadrés par des normes moins strictes que celles existant en France. La ratification du Ceta, accord du même type avec le Canada, par l'Assemblée nationale le 23 juillet, ne devrait pas apaiser le secteur agricole.

Colère et inquiétude. Voilà les sentiments qu’inspire aux filières agricoles françaises le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, regroupant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Les deux parties, qui négociaient les termes de cet accord depuis vingt ans, ont trouvé un terrain d’entente le 28 juin dernier. Suscitant une levée de boucliers des représentants des filières les plus concernées (viandes bovine et porcine, volaille, lait, sucre, éthanol et miel). Qui ont rappelé les raisons de leurs inquiétudes lors d’une audition organisée le 17 juillet au Sénat.

Les représentants des filières agricoles concernées par l’accord entre l’UE et le Mercosur ont été auditionnées le 17 juillet au Sénat.

Des modèles de production diamétralement opposés

Les représentants des filières auditionnés rappellent, à l’instar de Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB), que les modèles agricoles sud-américains sont « à l’opposé de ce que nous faisons en France, et de ce qui a été défendu lors des États généraux de l’alimentation ». Les normes, en termes de bien-être animal ou de respect de l’environnement, y sont en effet bien moins exigeantes qu’en France. Les OGM y sont utilisés de manière courante dans l’alimentation animale, tout comme les antibiotiques pour stimuler la croissance des animaux, alors justement que des efforts sont actuellement fournis par les filières françaises pour réduire leur utilisation.

La traçabilité individuelle des animaux y est également inexistante. Enfin, 74 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en Europe, comme par exemple les néonicotinoïdes. Les hormones sont ainsi les seules substances interdites par l’accord entre UE et Mercosur. « La question environnementale est essentielle. Avec ces accords de libre-échange nous faisons marche arrière », regrette Éric Lelong, président de l’interprofession apicole.

Levée des droits de douanes et contrôles inexistants

Face à cette situation, le secteur agricole craint de potentielles distorsions de concurrence. L’accord prévoit en effet la levée des droits de douane et des exportations vers l’Union européenne de 99 000 tonnes de viande bovine, 100 000 tonnes de volailles ou 180 000 tonnes de sucre. « L’Union européenne nous dit qu’il y aura des contrôles, mais les normes ne sont pas les mêmes. Il y a eu des affaires de falsification de documents au Brésil », s’inquiète Jean-Michel Schaeffer, président de l’Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol).

Pour André Bonnard, secrétaire générale de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), « le problème est bien celui de la succession de ces accords, souligne André Bonnard, secrétaire générale de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Il cite ainsi le cas d’accords avec le Mexique ou de l’Océanie, encore à l’état de projet. Selon une étude de l’Institut de l’élevage (Idele), la succession de ces accords menaceraient 30 000 exploitations françaises.

L’accord avec le Mercosur n’est pas encore ratifié

Symbole de ce phénomène : la ratification le 23 juillet par l’Assemblée nationale de l’accord de libre-échange avec le Canada, Ceta, à 266 voix contre 213. Si ce vote n’apaisera pas les inquiétudes du secteur agricole, rien n’est néanmoins encore fait en ce qui concerne le Mercosur. L’accord doit encore être ratifié par les pays membres des deux entités, et être approuvé par le Conseil et le Parlement européens. Selon Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au commerce, l’entrée en vigueur de cet accord n’interviendrait pas avant un délai de deux ans minimum.

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