Pesticides : désaccords sur la conclusion de la mission parlementaire

16 avril 2018 - Gaelle Gaudin 
Après avoir enchaîné les auditions et déplacements sur le terrain durant cinq mois, les 22 députés de la mission d’information sur les pesticides ont rendu leur rapport. Les parlementaires évoquent la difficulté d’un changement de modèle soudain, au grand dam de certains écologistes.

Les députés Gérard Menuel et Didier Martin, co-rapporteurs de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, ont présenté le rapport à la presse le 5 avril 2018.

La mission d’information commune sur l’utilisation des pesticides a rendu son rapport le 4 avril 2018, après cinq mois de travail, 47 auditions, trois déplacements en France et un à Bruxelles. Comme tous les rapports relatifs à ce sujet, il crée le débat. Les avis divergent notamment sur le pas de temps à laisser aux professionnels pour réduire leur recours aux produits de synthèse.

L’arrêt immédiat du recours à la chimie « difficilement réalisable »

Les 22 députés ayant travaillé sur la mission ont choisi de viser une réduction pragmatique de l’utilisation des pesticides. « Peut-on […] exiger l’arrêt immédiat du recours à la chimie ? s’interroge Élisabeth Toutut-Picard, présidente de la mission. Malgré l’urgence et la motivation à agir rapidement, force est de constater que ce type d’hypothèse « révolutionnaire » est difficilement réalisable. » En cause, selon elle : la nécessité d’assurer « la couverture des besoins alimentaires » et « la survie économique des producteurs », qui serait « mise en péril par un sevrage brutal ».

« Des solutions plutôt que des interdictions », se félicite la FNSEA

Côté FNSEA, le rapport est bien accueilli. Le secrétaire général adjoint du syndicat agricole, Éric Thirouin, estime qu’il présente l’avantage de tendre à « trouver des solutions (voir encadré) plutôt que des interdictions. » En revanche, pour les acteurs plus écologistes, les propositions de la mission ne vont pas assez loin. La député et ancienne ministre chargée de l’Écologie Delphine Batho a même démissionné de la vice-présidence de la mission lors de l’examen du projet de rapport le 29 mars à l’Assemblée nationale, arguant ne pas pouvoir le cautionner.

La députée Delphine Batho.

« Pas à la hauteur de l’urgence », selon Delphine Batho

« Ce rapport n’est pas à la hauteur de la gravité de la crise sanitaire et de l’anéantissement de la biodiversité liés à la toxicité de ces produits, ni de l’urgence d’agir, ni du lien à opérer entre amélioration des revenus agricoles et sortie de la dépendance à la chimie, écrit Delphine Batho dans sa contribution. La seule avancée notable est qu’il se prononce pour la création du fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Pour le reste, les préconisations s’avèrent en deçà des engagements du Président de la République et de la feuille de route gouvernementale sur les pesticides, elle-même insuffisante. »

Position gouvernementale attendue

Reste à connaître la position du Gouvernement. L’avenir des pesticides en agriculture dépendra de la feuille de route dédiée, dont le canevas a été dévoilé fin janvier, et du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. »


Une liste de 35 propositions

Ce rapport comprend cinq priorités et 35 propositions. Certaines d’entre elles innovent, comme l’instauration d’une prime à la casse pour le remplacement du matériel de pulvérisation de plus de 25 ans, ou encore la mise en place d’un mécanisme d’exonérations fiscales pour les pratiques vertueuses. D’autres viennent conforter des solutions déjà dévoilées dans d’autres rapports ou renforcer les efforts conduits : soutien aux alternatives (variétés résistantes, biocontrôle…), à l’agriculture de conservation, de précision et biologique, déploiement des bonnes pratiques...

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