Glyphosate, que représentent les taux relevés chez les « pisseurs involontaires » ?

13 septembre 2019 - Eloi Pailloux 
Les organisateurs de la campagne invitant les citoyens à faire mesurer le taux de glyphosate dans leurs urines comparent les mesures effectuées au « taux légal autorisé dans l'eau potable ». Une méthode qui cache quelques raccourcis, sans poser la question de la dangerosité des quantités relevées. Des calculs relativement simples s'avèrent pourtant rassurants.
Des pisseurs involontaires affichent la quantité de glyphosate détectée dans leur urine – capture d’écran du clip de présentation campagneglyphosate.fr

Le mouvement, lancé depuis l’Ariège en juin 2018, a fait tache d’huile. Les « pisseurs involontaires de glyphosate » sont présents dans quelques 70 départements français, à en croire le site campagneglyphosate.com. Le principe est simple : tout citoyen souhaitant connaître le taux de glyphosate dans ses urines contacte les organisateurs de cette campagne. Des analyses sont organisées, éventuellement en présence d’huissiers afin de pouvoir déposer plainte « contre les personnes en responsabilité des firmes fabricant des pesticides à base de glyphosate ».

Attention aux comparaisons avec l’eau potable

Le 3 mai, par exemple, une campagne de prélèvements organisée à Tours livrait son verdict : pour les 53 « pisseurs » testés, la moyenne se situait à 1 µg (microgramme) de glyphosate par litre d’urine. Inquiétant, selon une vidéo de campagneglyphosate.com, qui précise que « le taux légal autorisé pour la présence de pesticides dans l’eau potable est de 0,1 µg/l ». De quoi conclure à un taux de glyphosate en moyenne 10 fois supérieur dans les urines des volontaires de Tours que ce que permet la loi concernant l’eau potable, selon les organisateurs de la campagne. Précisons cependant que ce seuil n’implique aucun risque sanitaire, et pas d’interdiction ou même de restriction de la consommation d’eau.

De plus, l’urine est la voie par laquelle le corps se débarrasse des substances non-désirables ou en excès dans le sang. Il est « normal » d’y retrouver les déchets de l’organisme et elle n’est évidemment pas destinée à la consommation. La comparaison avec la qualité attendue pour l’eau potable prête donc le flan à la critique…

Des taux 500 fois inférieurs à la dose journalière admissible par l’homme

Reste que ces urines présentent du glyphosate. Plutôt que de les comparer aux normes de l’eau potable, posons la question du danger représenté par la molécule. Si un adulte moyen, à Tours, urine deux litres au quotidien (1), comprenant un taux de 1 µg/l de glyphosate, le calcul est simple : il rejette 2 µg de glyphosate par jour. Selon l’agence de sécurité sanitaire européenne (EFSA), un cinquième du glyphosate ingéré par un être humain passe dans le sang avant d’être filtré et de finir dans les urines (le reste finissant dans les selles). On peut donc déduire le total de glyphosate ingéré par le Tourangeau moyen en multipliant ce qui est retrouvé dans ses urines par cinq : 10 µg par jour.

En estimant qu’un individu moyen pèse 60 kg, on en déduit que son corps est exposé à 0,17 µg/j/kg. Or, l’EFSA a fixé la dose journalière admissible (DJA) du glyphosate, soit la quantité qu’un individu peut absorber sans danger pour la santé, à 0,5 mg/j/kg. Le Tourangeau moyen se situerait donc à moins de 0,1 % de cette DJA. La variabilité des taux relayés par campagneglyphosate.com et différents médias n’influencent pas ce constat de manière significative. Si l’on prend, par exemple, le taux le plus élevé enregistré en région Centre-Val de Loire, 3,51 µg/l, le même calcul aboutit à une exposition du « pisseur » située à 0,29 µg par jour et par kilogramme : on reste dans ce cas en deçà des 0,2 % de la DJA.

Merci à @Bunker_D_, nos calculs sont inspirés de son article.

(1) Une personne urine entre 0,5 l et 2 litres par jour, mais nous prenons ici le cas le « plus extrême ».

2 commentaires sur “Glyphosate, que représentent les taux relevés chez les « pisseurs involontaires » ?

  1. Je suis chimiste analyticien et étonné de ces débats…
    Car on ne sait pas doser directement le glyphosate dans le sang ou les urines pour la bonne raison que cette petite molécule, qui n’est rien d’autre qu’une copie d’un enzyme végétal impliqué dans la photosynthèse, est extrèmenet biodégradable.
    Donc… on dose en réalité un élément “secondaire” issu de la décomposition du glyphosate et cet élément “secondaire” peut être générée par l’enzyme végétal naturel (consommation de légumes) ou par les résidus de décomposition de centaines d’autres composés organiques présents dans le corps.

    Donc quand je vois ces chiffres et que je sais comment en tente de “bricoler” en laboratoire pour tenter de doser le glyphosate de manière indirect cela me fait bien rire !
    Bizarre que pas un seul chimiste ne vient l’expliquer ?
    Peut-être y a t’il beaucoup d’argent à gagner en faisant croire que c’est facile à doser et que les résultats sont fiables ?

  2. Je suis chimiste analyticien et étonné de ces débats…
    Car on ne sait pas doser directement le glyphosate dans le sang ou les urines pour la bonne raison que cette petite molécule, qui n’est rien d’autre qu’une copie d’un enzyme végétal impliqué dans la photosynthèse, est extrèmenet biodégradable.
    Donc… on dose en réalité un élément “secondaire” issu de la décomposition du glyphosate et cet élément “secondaire” peut être générée par l’enzyme végétal naturel (consommation de légumes) ou par les résidus de décomposition de centaines d’autres composés organiques présents dans le corps.

    Donc quand je vois ces chiffres et que je sais comment en tente de “bricoler” en laboratoire pour tenter de doser le glyphosate de manière indirect cela me fait bien rire !
    Bizarre que pas un seul chimiste ne vient l’expliquer ?
    Peut-être y a t’il beaucoup d’argent à gagner en faisant croire que c’est facile à doser et que les résultats sont fiables ?

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