L’agriculture s’organise pour mieux se positionner sur le marché du carbone

2 juin 2022 - Eloi Pailloux 
Les exploitations ne sont pas seulement productrices de denrées alimentaires. Elles sont aussi susceptibles de commercialiser des crédits carbone. Un revenu supplémentaire précieux, à condition de bien appréhender ce marché. Le secteur s'y emploie. Explications.

Le carbone, un revenu d’appoint pour les agriculteurs ? Le secteur s’intéresse en tout cas de très près à ce dossier. Le principe de marché du carbone n’est pourtant pas nouveau. En Europe, il a été lancé en 2005, autour de ce mécanisme de base : les entreprises des secteurs les plus producteurs de gaz à effet de serre se sont vues obligées de compenser leurs émissions. L’un des moyens mis à leur disposition étant l’achat de « crédits » issus d’activités qui, elles, captent du carbone, comme l’agriculture.

Un label pour les démarches bas-carbone

La croissance des végétaux entraîne en effet la séquestration de carbone atmosphérique. C’est aussi vrai dans les prairies des éleveurs que dans les champs des cultivateurs. Les haies ou bosquets les entourant ne sont pas en reste. Si ces mécanismes naturels ont toujours fonctionné, l’agriculture française n’a pas toujours bénéficié des outils pour les faire fructifier. En France, le lancement du Label bas carbone par le gouvernement, en 2019, sécurise le marché.

Des méthodes officielles pour générer les crédits

Depuis 2020, les pouvoirs publics ont validé une demi-douzaine de « méthodes » applicables en agriculture dans le cadre du Label bas-carbone. Ces méthodes sont autant de chemins possibles pour les producteurs, en fonction du profil de leur exploitation. Par exemple la méthode « Ecométhane » balise la voie à suivre pour les éleveurs bovins souhaitant réduire leur empreinte carbone via l’alimentation de leurs vaches, quand la méthode « Haies » concerne les fermes planifiant l’implantation de haies. D’autres méthodes sont encore en cours de validation, par exemple pour les viticulteurs ou les méthaniseurs.

Un marché mondial non-harmonisé

Le cadre est donc plus clair, mais quelques écueils demeurent. Pour commencer, le marché carbone n’est pas harmonisé mondialement. Résultat : tous les crédits n’ont pas le même prix. Et les entreprises tenues de compenser leurs émissions peuvent être tentées d’acheter des crédits carbone bon marché. Selon le thinktank Agridées, le tarif peut aller de 30 à 70 € pour une tonne de CO2 stockée en France, contre 13 € en Europe et 6 € à l’international environ. Autre difficulté : ce marché étant encore neuf, l’offre et la demande peinent parfois à se trouver, faute de contact entre les mondes de l’agriculture et des entreprises.

Rapprocher entreprises et agriculture

Plusieurs entreprises françaises, comme La Poste, souhaitent s’offrir des crédits « made in France », quitte à payer plus. Pour leur faciliter la tâche, l’agriculture s’organise. Lors du Salon de l’agriculture, onze partenaires, dont la FNSEA ou Chambres d’agriculture France, ont lancé une plateforme de crédits carbone agricoles français, rassemblant les filières végétales et animales. Une manière de centraliser les démarches du secteur. Et comme dans les régions, certaines entreprises expriment leur intention d’acheter du carbone de proximité, des initiatives voient le jour pour créer des connexions encore plus locales. C’est le cas de l’événement CarbonConnect, organisé début mai à Lille, qui a réuni 200 entreprises et structures agricoles. D’autres régions devraient suivre cet exemple.

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