Où en est l’Union européenne dans la définition de la Politique agricole commune 2021-27 ?

3 février 2020 - Eloi Pailloux 
La Politique agricole commune (Pac), dans sa version actuelle, doit prendre fin en décembre 2020. Mais les instances européennes semblent mal parties pour établir la mouture 2021-27 à temps. Où en sont les négociations ? Quelles sont les instances concernées ? Et que se passera-t-il si la nouvelle Pac n'est pas prête en 2021 ? Explications.

La Politique agricole commune (Pac) se déploie sur des périodes successives de sept ans. Le dispositif actuel arrive à son terme en cette année 2020, ce qui suggère la mise en place de la prochaine Pac dès 2021. Mais l’agenda européen a déjà pris du retard. La première étape a pourtant été initiée dans les temps : une consultation publique, ouverte à tous les citoyens de l’UE, a été menée en juillet 2017. La Commission européenne s’est emparée de ces résultats pour faire sa propre proposition en décembre 2017. « Il s’agissait, à ce stade, d’une base de travail, pas d’un texte finalisé », glisse Henri Brichart, qui suit ce dossier en tant que premier vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Bruxelles a toutefois complété sa copie, en y ajoutant un cadre réglementaire, en juin 2018. C’est au tour des deux autres grandes instances de l’UE de se positionner sur cette proposition : le Conseil européen et le Parlement européen.

Le Conseil européen doit se mettre d’accord sur un budget

Le Conseil européen rassemble les représentants des États membres. Sur un dossier comme la Pac, c’est principalement les ministres de l’agriculture qui sont mobilisés. Au gré des présidences du Conseil menées par l’Autriche (fin 2018), la Roumanie puis la Finlande (sur 2019), différents points d’accord ont été trouvés. « Ces éléments restent toutefois officieux, précise Henri Brichart. Si un certain nombre de points semblent faire consensus, rien ne sera gravé dans le marbre tant que le budget européen sur la période 2021-27, et donc celui alloué à la Pac, ne sera pas défini. » Ce budget doit précisément être déterminé par… le Conseil européen. Ce dossier-là a également pris du retard, du fait notamment du flou autour des conditions du Brexit. La présidence actuelle, assumée par la Croatie jusqu’à juin 2020, devrait permettre d’avancer à ce niveau.

Le Parlement ralenti par les élections de 2019

Le Parlement est composé d’eurodéputés de chaque État membre. Il s’est emparé également de la proposition de la Commission, et s’est prononcé sur une partie du dispositif. Mais les élections européennes de mars 2019 ont rebattu les cartes. Les nouveaux élus souhaitent s’exprimer sur ce qu’ont décidé leurs prédécesseurs. La commission « agriculture » du Parlement, et la commission « environnement » pour certains sujets, sont censées baliser les discussions de l’assemblée plénière. « Sur ce dossier, ces commissions ont simplement trié les éléments qui seraient à redébattre ou pas, explique Henri Brichart. Ces discussions seront menées directement dans l’hémicycle, ce qui est inhabituel, et laisse planer un certain flou. »

Course contre la montre

Le nouveau découpage du Parlement s’avère en effet « morcelé ». Auparavant, la base des accords s’appuyait principalement sur deux blocs, la droite modérée et les socialistes. Deux nouvelles forces ont émergé : les libéraux et les écologistes. « Dans ce contexte, difficile de deviner la teneur des débats, le nombre d’amendements qui seront posés… », selon Henri Brichart. Les pronostics les plus optimistes augurent un potentiel dénouement des négociations actuelles pour la fin du premier semestre 2020 : sur le budget européen d’une part, et la position consolidée du Conseil et du Parlement sur la proposition de Bruxelles d’autre part. « Si tel est le cas, la dernière étape du processus, une négociation directe entre les trois instances, ou « trilogue », pourra débuter sur le second semestre, et cette étape peut aller relativement vite, analyse Henri Brichart. Mais cette trajectoire reste peu probable. »

Vers un dispositif provisoire… qui fait aussi débat

Que se passera-t-il si la Pac 2021-27 n’est pas prête pour 2021 ? C’est à la Commission d’envisager cette possibilité, en proposant un dispositif provisoire. Fin 2019, Bruxelles émettait sa feuille de route. « En l’occurrence, l’idée serait de maintenir peu ou prou la Pac actuelle, pendant une période la plus courte possible, en tablant sur un dénouement rapide des négociations actuelles, explique Henri Brichat. Le Conseil et le Parlement doivent se positionner sur cette option. Des voix se font déjà entendre pour prévoir une transition plus longue, et préparant une évolution structurelle de la Pac. » Il semble donc que la définition de la Pac 2021-27, voire même de la Pac « provisoire 2021 » ne soit pas pour tout de suite…


Que contient la proposition de la Commission européenne ?

Les débats au sein du Conseil et du Parlement portent sur la proposition émise par la Commission en juin 2018. Mais quel est le contenu de ce texte ? « Dans les grandes lignes, Bruxelles suggère un dispositif davantage nationalisé », explique Henri Brichart. Dans son format actuel, la Pac s'appuie sur deux piliers. Le premier regroupe un certain nombre de dispositifs de paiement assez stricts, applicables dans toute l'Europe. Le second porte des mesures plus adaptées à chaque pays, les États membres faisant valider leur feuille de route à l'UE. Pour 2021-27, Bruxelles envisage plus de flexibilité dans le premier pilier en y instaurant des Plans stratégiques nationaux. Plusieurs acteurs du monde agricole français s'inquiètent de cette mouture, craignant que la France soit plus exigeante que beaucoup d'autres États membres notamment sur les paiements « verts » liés au respect de l'environnement, ce qui pourrait créer des distorsions de concurrence au sein même de l'UE.

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