Reportage – Une micro-ferme climato-intelligente en Guadeloupe

23 mai 2018 - Jean-François Coffin 
Changement climatique, diminution des surfaces agricoles, faible autonomie alimentaire, nécessité de réduire l’usage des pesticides : ce sont autant d’éléments qui ont motivé un projet de micro-ferme climato-intelligente en Guadeloupe. Objectif : montrer qu’en alliant savoir-faire traditionnel et nouvelles technologies, de petites exploitations peuvent être économiquement viables.

Changement climatique, diminution des surfaces agricoles, faible autonomie alimentaire, nécessité de réduire l’usage des pesticides : ce sont autant d’éléments qui ont motivé un projet de micro-ferme climato-intelligente en Guadeloupe. Objectif : montrer qu’en alliant savoir-faire traditionnel et nouvelles technologies, de petites exploitations peuvent être économiquement viables.

Guadeloupe ferme climato-intelligente
« Dans un jardin créole, on rencontre entre 40 et 150 espèces ! », explique Harry Ozier-Lafontaine – © J.-F. Coffin

« Le projet de micro-ferme climato-intelligente en Guadeloupe propose l’expérimentation d’un système basé sur l’application d’un maximum de principes agroécologiques », explique Harry Ozier-Lafontaine, directeur de recherche et résident du centre Inra(1) Antilles-Guyane, lors d’un voyage d’études organisé en avril 2018 par l’AFJA(2).

L’objectif est de proposer un modèle type d’exploitation répondant aux différentes contraintes auxquelles est confrontée la Guadeloupe, que ce soit au niveau climatique, foncier et environnemental.

Enjeu climatique, obstacles fonciers

Les scénarios de Météo France à l’horizon 2070-2099 prévoient « une augmentation de la température moyenne de 2,1 à 2,3°C, des périodes de sécheresses plus marquées et des épisodes pluvieux plus intenses, une élévation du niveau de la mer, davantage d’ouragans de catégorie majeure… » Prévisions corroborées par le dernier ouragan en date, Maria, qui a impacté la majeure partie des cultures de la Guadeloupe en septembre dernier.

Mais le climat n’est pas le seul responsable des difficultés que connaît la Guadeloupe en matière agricole. Elle est confrontée à un grave problème de surfaces agricole disponibles du à plusieurs facteurs comme la non-exploitation de parcelles liée au problème de multipropriété et de certaines zones polluées notamment par la chlordécone. Cet insecticide, pulvérisé pendant de nombreuses années sur les champs de bananiers, a pollué les sols de manière durable, limitant la possibilité de culture sur ces parcelles.

Une faible autonomie alimentaire

Mais si 80 % des exploitations des Caraïbes sont de petite dimension (entre 2 et 5 ha), elles représentent cependant une richesse comme celle de son agro-diversité qu’elle a préservée et ce potentiel est sous-évalué.

Guadeloupe ferme climato-intelligente
Les plantes s’entraident mutuellement. Par exemple, les légumineuses, comme les pois, apportent de l’azote tout en bénéficiant de l’ombre des cannes à sucre. © J.-F. Coffin

La surface agricole actuelle de la Guadeloupe, d’environ 31 000 ha, est loin d’assurer une autonomie alimentaire qui avoisine seulement les 20 %. Elle est essentiellement occupée par des exploitations très spécialisées comme en canne à sucre (13 500 ha) et en banane (2 500 ha).

 

« Jusqu’à présent, la recherche mettait surtout l’accent sur ces productions de base et sur les grandes exploitations. Mais face à l’enjeu de la sécurité alimentaire, de l’adaptation au changement climatique, il fallait trouver de nouvelles solutions », reconnaît l’Inra.

Une micro-exploitation diversifiée

Le premier principe de la micro-ferme réside dans la diversité des cultures permettant un étalement des récoltes tout au long de l’année tout en préservant les espèces locales. Stan Selbonne, doctorant à l’Université des Antilles en charge de l’expérimentation, explique l’organisation de la micro-ferme : « Des parties sont dédiées à la canne à sucre d’industrie et de bouche, aux bananes, aux tubercules, aux légumes et aux fruits. Une partie est dédiée aux ruminants. » Le compost est issu des différents résidus végétaux de l’exploitation et d’autres sources de l’île. Outre son intérêt pour amender les parcelles, il permet de retenir l’eau dans le sol.

Guadeloupe ferme climato-intelligente
Stan Selbonne : « Les bananiers qui poussent au centre feront bénéficier de leur ombre les cultures voisines, tandis que des chemins recouverts de copeaux sont aménagés pour faciliter le passage des microtracteurs » – © J.-F. Coffin

Aucun pesticides ni engrais chimiques ne sont utilisés. La diversité des cultures permet de limiter les attaques parasitaires favorisées par la monoculture.

Un côté humain

La pénibilité du travail n’est pas négligée. Le paillage limite la croissance des mauvaises herbes et conserve l’humidité. Des allées sont aménagées pour faciliter le passage des microtracteurs. Côté économique, la micro-ferme climato-intelligente doit permettre la création d’emplois et de filières innovantes, d’améliorer la compétitivité des exploitations et la qualité de vie des agriculteurs.

Et Harry Ozier-Lafontaine de conclure : « Le secteur agricole en Guadeloupe doit répondre à plusieurs enjeux spécifiques, loin du modèle d’agriculture intensive pratiquée par ailleurs. Avec cette démarche, nous voulons démontrer qu’être sur de petites échelles n’est pas fatalement handicapant. Une famille peut se nourrir et vivre décemment de l’agriculture sur une micro-ferme climato-intelligente. »

Jean-François Coffin

(1) Le projet de micro-ferme climato-intelligente est piloté par Jean-Marc Blazy, responsable scientifique qui l’a initié. Il s’inscrit dans plusieurs projets au sein de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) répondant à différents objectifs.
(2) AFJA, Association française des journalistes agricoles, de l’alimentation, de l’environnement et de la ruralité. www.afja-asso.fr

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