Sécurité sanitaire des aliments, la voie du progrès

20 novembre 2004 - La rédaction 
Le risque sanitaire est toujours présent dans l’esprit des consommateurs, pourtant les professionnels ne cessent de clamer que “notre alimentation n’a jamais été aussi sûre”. Les pouvoirs publics ont pris la juste mesure de cette inquiétude, des études sont lancées et les acteurs des filières agissent. Mises en évidence le 7 octobre 2004, lors du colloque organisé par la Convention collective, des suspicions mais aussi des démarches de progrès.

Le dérapage émotionnel qui porte sur le risque alimentaire touche-t-il aussi les politiques ? Cette peur n’a jamais été aussi bien nourrie. Pourtant les Français aussi. Car depuis plus de cinquante ans, le nombre de décès par intoxication est passé de 15 000 à 700. Dilemme omniprésent dans l’esprit de tout un chacun et qui peut sans problème alimenter… toute une journée de colloque. Peser le pour et le contre, le bénéfice et le risque, tel a donc été l’objectif de la session “Fantasme et réalités de la sécurité alimentaire, entre précaution et responsabilisation”, organisée à Paris par la Convention collective (1) sous le patronage d’Hervé de Charrette, député du Maine-et-Loire.

Vigilance politique

Les consommateurs de la ville de Marseille vont participer à une étude sur les comportements et risques alimentaires, lancée à l’automne 2004 par l’Afssa.

Fortement relayées par les médias, les crises et les suspicions – parfois fondées – pourraient semer un vent de panique et contribuer au durcissement de la législation. Législation que trouvent déjà bien sévère les agriculteurs français. Pour Françoise Grossetête, députée européen, “la sécurité alimentaire est devenue une priorité pour l’Europe, en témoigne l’installation à Parme en 2002 de l’Autorité dédiée à cette discipline”. Et de rassurer sur la mission des politiques : “Notre rôle est d’être vigilant, et d’analyser le risque, en tout cas pas celui perçu par les médias, mais en nous appuyant sur l’avis d’experts”. Certains faits, relatés dans les journaux, sont toutefois irréfutables. En ouverture de colloque, Serge Lepeltier, ministre de l’Écologie a rappelé que la loi sur l’eau devra permettre de rétablir la qualité des eaux en donnant le budget adéquat aux agences de l’eau. Et le chantier est titanesque puisque trois quarts des eaux françaises contiennent des résidus. “Sécurité alimentaire et amélioration de l’environnement vont de pair”, a-t-il ajouté.

Risques pesticides mis en avant

Mais qu’en est-il du risque ? Pour Jean-François Narbonne, toxicologue, professeur à l’Université de Bordeaux II et qui s’est déjà exprimé, notamment dans le cadre du dossier de surmortalité des abeilles, sur les conséquences néfastes des produits phytosanitaires sur la santé, “la vraie question, c’est de savoir quel contaminant j’ai dans mon corps”, indique-t-il. Données qui permettraient de mieux comprendre les causes du développement des cancers par exemple mais aussi de prendre de vraies mesures préventives. “Jusqu’à présent, cette question n’a pas vraiment été prise en compte en France, alors qu’aux États-Unis des études, évaluant les quantités de substances toxiques en ng/g de lipides corporels ont démontré que les phtalates (composant des plastiques) sont en tête de liste, en 4e interviennent les organochlorés, en 5e les résidus de cosmétiques, en 7e place la dioxine…”

Et de souligner que les pesticides sont aussi dans le collimateur : “Si on prend l’indicateur, certes théorique, de la dose journalière admissible (DJA) pour un adulte (correspond pour une substance active donnée à la quantité assimilable par jour – ndlr). En France on est à 100 % de cette norme pour la dioxine, à 60 % pour les nitrates et à 10 % pour les pesticides”. Il estime alors que les pouvoirs publics et le monde agricole doivent intégrer de nouveaux outils de gestion des risques. Ce qui implique un changement des stratégies de contrôle, une meilleure prise en compte de la population sensible.

Le monde agricole prend en compte le risque alimentaire

Une bonne partie du monde agricole est déjà sensibilisée à ces attentes, surtout depuis les inquiétudes générées depuis la crise de la vache folle. Marc Nicolas, agriculteur et éleveur de bovins en Maine-et-Loire avec label “agriculture biologique” rappelle qu’en jouant avec les rotations de culture, il est possible d’éviter les traitements chimiques utilisés en agriculture conventionnelle et d’obtenir des rendements très respectables. Ajoutant toutefois, que les cahiers des charges de l’agriculture biologique devraient accepter l’emploi exceptionnel de produits phytosanitaires non autorisé en agriculture biologique, lorsque tout a été tenté. Il reconnaît toutefois l’effort à faire pour rendre ces produits plus accessibles, physiquement mais aussi économiquement. De son côté, l’agriculture raisonnée prône l’utilisation des produits seulement si c’est nécessaire. Frank Garnier, président de l’Union des industriels de la protection des plantes, souligne le bénéfice quantitatif obtenu grâce à l’emploi des produits phytosanitaires, l’éradication de maladie, tel l’ergot qui était toxique pour l’homme. Il ne nie pas le côté dangereux de ces produits chimiques, mais le risque est géré et la priorité est donnée aux bonnes pratiques agricoles et à une utilisation responsable de ces produits. Même souci pour les industriels, Emmanuelle Buffet responsable qualité chez Mâtines mise sur le dialogue entre opérateurs : “il faut s’insérer dans les filières, échanger les expériences de façon à optimiser la prévention des risques quotidiens”.

Le dossier risques alimentaires avance aussi du côté des pouvoirs publics. Le plan interministériel sur la lutte contre les pollutions liées aux produits phytosanitaires est un des signes positif. Le règlement CE 178/2002 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2005 met sur le devant de la scène la responsabilité d’un opérateur de la filière alimentaire sur la qualité et l’innocuité de ses produits. De leur côté, l’Inra et l’Afssa se penchent sur ces problèmes d’alimentation et de toxicité. D’ailleurs le 6 octobre 2004 trois grandes villes pilotes, Lille, Tours, Marseille, ont été choisies par l’Afssa pour lancer la première phase d’une étude nationale sur les comportements et risques alimentaires. Au niveau européen, le programme Reach qui vise à évaluer les substances toxiques devrait aussi donner une base de données conséquente et permettre la refonte de la réglementation sur les produits chimiques en Europe.

Convention collective : Fédération nationale de conventions départementales, locales ou régionales, liées à la majorité présidentielle et lieu de réflexions et proposition.

Les outils de la veille sanitaire en Europe

Grâce à la réglementation le nombre de cas de listéria diminue. Certes 360 cas ont été recensés en 2003 contre 234 en 2002 mais cette hausse est liée à la mise en place d’un dispositif de contrôle plus performant. Les principaux agents détectés restent aujourd’hui les salmonelles et le camylobacter. Le développement de ce dernier est en partie lié au phénomène d’antibiorésistance suite à l’utilisation des antibiotiques en alimentation animale. D’où l’importance de la veille sanitaire au niveau national et de la mise en place de procédures d’autocontrôle dans les entreprises. Le système européen d’alerte sanitaire fonctionne depuis maintenant cinq ans.

En France, c’est la DGCCRF pour les denrées végétales et les aliments pour animaux et la DGAL pour les aliments humains qui après identification de cas de non-conformité remontent l’information à l’entité européenne, laquelle alerte les autres pays. Pour Gilles Portejoie, du bureau de la surveillance des denrées alimentaires et alertes sanitaires à la DGAL, “ce système reste toutefois perfectible car chaque pays contrôle avec ses propres outils et ne s’intéresse qu’aux cas de non-conformité”. Au niveau national il note une meilleure diffusion des alertes et utilisation des informations. Les filières cherchent aussi à mettre en commun leurs résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs. La DGAL et La DGCCRF sont aussi en contact avec l’Institut de veille sanitaire, lequel alerte sur les cas d’intoxication alimentaire. En 2002, la DGAL a pu identifier pour 40 cas les causes de l’intoxication en remontant la filière, en 2003 ce diagnostic concerne 16 cas.

55 agents chimiques dans le sang de quatorze ministres européens

Quatorze ministres de l’Environnement et de la Santé de l’UE élargie se sont prêtés en juin 2004 à une prise de sang lors d’une conférence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Budapest. L’analyse des échantillons sanguins a porté sur le dépistage de 103 produits chimiques dans leur organisme, a indiqué le 19 octobre, WWF dans un communiqué. Les résultats révèlent la présence d’un total de 55 agents chimiques, soit une moyenne de 37 produits par individu. Le ministre le moins contaminé a dans son organisme 25 produits chimiques, le plus en ayant 43. Ces produits sont utilisés dans les canapés ignifugés, les poêles à frire antiadhésives, les boîtes à pizza qui résistent au gras, le PVC souple, les parfums et les insecticides.

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