S’engager pour rassurer : la filière viande en pleine mutation

10 octobre 2018 - Laure Hänggi 
Attaques de boucheries et d'un abattoir par des militants vegans, consommateurs s'interrogeant sur le bien-être animal… Réunie au sommet de l'élevage, qui se tenait près de Clermont Ferrand du 3 au 5 octobre, la filière viande a souligné sa volonté d'adaptation face à cette nouvelle donne, en insistant notamment sur l'initiative du « Pacte pour un engagement sociétal ».

Les différents intervenants du colloque ont insisté sur la nécessaire mise en avant du critère “qualité” auprès du consommateur.

« La viande n’est plus une évidence, nous devons l’accepter, tout comme le fait que les consommateurs se posent des questions, sur le bien-être animal, l’environnement, la santé ou l’éthique. » L’analyse est signée Denis Lerouge, directeur de la communication produit de l’interprofession bétail et viandes (Interbev), en introduction d’un colloque organisé par la structure, le 4 octobre lors du Sommet de l’élevage. Le ton est donné. Face aux questionnements citoyens de plus en plus prégnants, les acteurs de la filière viande changent de posture.

Un « pacte » pour marquer l’engagement de la filière

Symbole de cette évolution, le « pacte pour un engagement sociétal », initié par Interbev en 2017, était au cœur des discussions du colloque. La démarche entend renforcer et développer des actions durables et responsables autour de quatre enjeux : l’environnement, le bien-être animal, l’alimentation durable et la qualité de vie. La filière ambitionne ainsi de réduire de 15 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025.
Un objectif qui s’appuie notamment sur l’outil CAP2ER, pour « calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants », développé par l’Institut de l’élevage (Idele), permettant d’évaluer à la fois les impacts négatifs et positifs des exploitations. Des bonnes pratiques qui n’ont, pour le moment, que peu de retombées financières pour les éleveurs. « Mais l’enjeu aujourd’hui, c’est le maintien de la consommation. Si personne ne fait son mea culpa, et que l’on n’écoute pas les questions des consommateurs, il ne faudra pas se plaindre si la consommation baisse », alerte Bruno Dufayet.

Développer la viande de qualité

La consommation de viande en France aurait baissé de 12 % en dix ans, selon le Crédoc. Parmi les facteurs explicatifs, une prise de conscience environnementale.

Les réflexions sont désormais axées sur la manière de faire connaître cette démarche au consommateur. « Il va falloir rapidement trouver un identifiant », insiste Bruno Dufayet. Le plan de filière pour la viande bovine, construit lors des États généraux de l’alimentation, prévoit ainsi une montée en gamme de l’offre « intermédiaire ». L’objectif est de passer de 3 à 40 % de viande bovine sous Label Rouge – une démarche connue du consommateur – en cinq ans, et le doublement de la production de viande bio, à la même échéance.
« Nous devons mieux montrer que la viande est issue d’un processus respectant les attentes des consommateurs, afin que celle-ci soit bonne à manger, mais également bonne à penser », détaille Denis Lerouge.

Une conséquence sur les prix ?

Face aux interrogations concernant les effets sur le prix de la viande de cette montée en gamme, l’interprofession se veut rassurante. « Il ne faut pas avoir peur d’une hausse des prix, il y a de la place pour une meilleure répartition de la valeur », souligne Guy Hermouet, président de la section Bovins d’Interbev. Car, les intervenants insistent : cette transformation de la filière ne se fera pas sans l’assurance de prix rémunérateurs, via la création d’un coût de production. Les discussions au sein de la filière, sur la question, sont cependant actuellement bloquées, suite à des désaccords entre éleveurs et distributeurs.


Une dynamique également présente dans les allées du Sommet de l'élevag

Installé dans le Massif Central et spécialisé dans les viandes de qualité, le groupe coopératif Altitude a lancé, lors du Sommet, un manuel regroupant des arguments en faveur de la consommation de viande. En réactions aux attaques de militants antispécistes, Jean-Luc Doneys, directeur de la division agriculture du groupe, parle du « positionnement d'un groupuscule », générant cependant des « interrogations dans la société», pouvant « avoir un impact sur la consommation. » « Il faut parler de manière positive et rassurer les gens », insiste-t-il.

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