Terrena fait le pari de la souveraineté alimentaire

23 avril 2020 - La rédaction 
Olivier Chaillou, agriculteur et président de la coopérative Terrena, dont le chiffre d'affaires approche les 5 milliards d'euros, évoque les défis liés à la pandémie. Certaines activités notamment l'horticulture et le vin souffrent plus que d'autres. Pour cette dernière filière, la distillation de crise pourrait être la solution.

Près d’un mois après le début du confinement lié à l’épidémie de Covid-19, les secteurs agricole et alimentaire ont été identifiés comme prioritaires par le Gouvernement, pour traverser cette crise. Cette dernière n’est pas sans conséquences sur les comportements des consommateurs, poussant des acteurs du secteur agricole, mais aussi les ministres de l’Agriculture et de l’Economie , à appeler les Français à consommer en priorité des produits frais français. Des initiatives ont aussi vu le jour pour palier le manque de main d’oeuvre pour les récoltes du printemps. Les coopératives agricoles sont particulièrement concernées par cette situation. Olivier Chaillou, le président de Terrena, coopérative au chiffre d’affaires avoisinant les 5 milliards d’euros, revient pour Culture Agri sur les bouleversements causés par cette pandémie pour le secteur agricole.

 

“Je crois que la profession agricole capitalisera sur cette volonté de privilégier la production nationale”, estime Olivier Chaillou, le président de la coopérative Terrena.

Culture Agri : Plus d’un mois après le début du confinement, quel est votre premier bilan?

Olivier Chaillou : La santé et la protection des salariés de la coopérative étaient prioritaires, nous avons d’abord adapté l’organisation. Le taux d’absentéisme de 10% lié avant tout à la garde d’enfants est resté stable. Globalement la situation est maîtrisée. Aujourd’hui, tout fonctionne : les approvisionnements, les usines, ainsi que la logistique.

CA : Quelles sont les filières les plus impactées?

O.C. : L’horticulture et les pépinières qui réalisent 70% de leur chiffre d’affaires de mars à avril sont les plus touchées en raison de la fermeture des jardineries et de l’arrêt d’activité des paysagistes. La reprise à partir du 11 mai ne permettra pas de rattraper le retard.

D’autre part, le vin (marque Ackerman) subit la mise à l’arrêt des restaurants et des cafés. Dans les grandes et moyennes distribution, le consommateur a réduit ses achats de boissons alcoolisées. En conséquence, il y a trop de stocks. Il faudrait distiller pour libérer les cuves.

CA : Comment vivez-vous le bouleversement des filières bovine et laitière?

O.C. : Nous affrontons un problème d’équilibre matière. Par exemple, les consommateurs privilégient le steak haché. Mais les pièces nobles comme le faux-filet, souvent consommées au restaurant sont délaissées. Nous subissons aussi des déséquilibres dans le lait. Par ailleurs, les cuirs de veau et de vache ne partent plus en Italie et en Chine en raison de la crise dans le luxe et l’automobile.

CA : Que pensez-vous du plan de soutien du gouvernement aux entreprises?

O.C. : Même s’il faut rester vigilant, la concertation avec Bercy est correcte. Terrena a privilégié les congés et le système de RTT plutôt que le chômage partiel. La trésorerie est sous contrôle et la situation financière saine. Chaque semaine les investissements sont réajustés.

CA : Comment évoluent les échanges avec la grande distribution?

O.C. : La relation est constructive. Dans un premier temps, il a fallu s’adapter à une suractivité. Les Français ont opté pour du stockage et l’achat de produits basiques. Au final, ils n’ont pas cuisiné tant que cela. La preuve c’est que l’activité de maraîchage n’a pas bondi. La quatrième gamme vendue sous sachet ne s’est pas effondrée.

CA : Quels changements dans la consommation anticipez-vous?

O.C. : Prévoir le comportement des ménages est vraiment délicat. Toutefois, je crois que la profession agricole capitalisera sur cette volonté de privilégier la production nationale. Il est rassurant d’entendre Emmanuel Macron évoquer la souveraineté alimentaire. J’ai l’espoir que la confiance soit renouée.

 

Propos recueillis par Marie Nicot


Vin, l'Europe ne finance pas la distillerie de crise

Le coup est rude pour les vignerons. Mercredi 22 avril, l'Europe a donné son feu vert à une série de mesures pour encourager le stockage privé du lait et de la viande. Mais le commissaire à l'Agriculture Januz Wojciekowski a ignoré la demande de 72 eurodéputés lancée la semaine dernière à l'initiative de la député européenne Irène Tolleret (groupe Renaissance). Les élus souhaitaient que Bruxelles accorde des fonds à la distillation de crise afin d'écouler le vin invendu. Il est important d'agir avant juin car les cuves sont pleines. L'Europe compte ouvrir la possibilité de financer cette mesure d'urgence à travers les programmes viticoles nationaux en cours. En clair, les Etats membres doivent payer. La balle est dans le camp de Didier Guillaume. Or le ministre de l'Agriculture, pourtant favorable à la distillerie de crise, espérait bien ne pas signer de chèque.

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