Start-up d’État contre le glyphosate : derrière la communication, quelle pertinence ?

12 octobre 2018 - Laure Hänggi 
L'État veut rassurer l'opinion publique sur la sortie du glyphosate, en France, en trois ans. Emmanuel Macron annonce, le 9 octobre à l'Élysée, vouloir créer une start-up d'État où les agriculteurs s'impliquent. Au-delà de l'effet d'annonce, qu'en pensent les premiers concernés ? Et surtout, quelle performance aurait un tel modèle fondé sur le court-terme ? Prise de recul.

Emmanuel Macron soutient un projet de start-up d’État pour sortir du glyphosate.

Une start-up d’État, pour s’engager contre le glyphosate. Emmanuel Macron affirme ne « jamais lâcher une bataille. » Cette fois ci, c’est devant les interprofessions et responsables des filières agricoles, le 9 octobre à l’Élysée, qu’il a annoncé son intention de formaliser cette initiative « dans quelques jours ou quelques semaines. »

Nouvelle démarche chapeautée par l’État

L’objectif : faire adhérer un maximum d’agriculteurs afin « qu’ils mettent la pression sur leurs confrères, créent de la traçabilité pour dire tout ce qui est fait sans glyphosate », a-t-il expliqué. Mais quelle portée agronomique peut avoir une telle idée, outre sa forte portée médiatique d’un point de vue politique ? Des modèles de démarches de groupe, impulsés par l’État, comme les GIEE (1) ou le réseau Fermes Déphy (2) existent déjà. Les agriculteurs travaillent ensemble sur des thèmes agro-environnementaux, dans l’esprit d’une dynamique de progrès. Start-up d’État signifierait alors création d’un service numérique, d’une plateforme animée par l’administration, pour fédérer les agriculteurs autour de l’arrêt du glyphosate.

Le travail du sol, qui permet de limiter les infestations de mauvaises herbes, est l’une des alternatives au glyphosate… mais pas sans défaut, notamment vis-à-vis de la vie des sols et du changement climatique.

Sarah Singla est agricultrice en Aveyron et formatrice en agronomie au sein de l’association Hum’s. Son dada : la protection des sols. Elle regrette d’emblée, dans une telle annonce, le manque de confiance accordée aux agriculteurs, qui sont des professionnels responsables : « Nous sommes la seule profession en France considérée de la sorte », déplore-t-elle. Au sujet de l’initiative, elle alerte d’ores et déjà que « le glyphosate est peu utilisé en agriculture », et complète : « Si nous pouvions nous en passer aujourd’hui, nous le ferions ! C’est comme pour les médicaments, on ne les utilise que lorsque nous n’avons pas d’autres alternatives. »

Travail du sol, pas de glyphosate, mais…

Actuellement, la seule mesure se trouve du côté du travail systématique du sol, qui perturbe le cycle des mauvaises herbes. Avec quelques effets indésirables : « La charrue implique l’appauvrissement des sols, les problèmes d’érosions, de perte de biodiversité, la libération du carbone stocké dans le sol, et le recours à d’autres herbicides. La solution à trouver doit être viable sur quatre points : moindre impacts environnementaux, compétitivité économique, acceptations sociétale et sociale. »

Même analyse de la part Konrad Schreiber, agronome et chef de projet à l’Institut d’agriculture durable : « Si aujourd’hui on arrête le glyphosate, les agriculteurs n’auront d’autres choix, dans les situations d’impasse, que de se tourner vers des herbicides plus chers et plus polluants. » La réponse pourra-t-elle venir rapidement pour éviter ce scénario ? « Pour en sortir, il faut un projet agricole à long terme, en prenant le temps de développer des solutions pérennes. » Ce qui ne semble pas correspondre au modèle start-up…

(1) GIEE : groupement d’intérêt économique et environnementale créés dans le cadre de la loi d’avenir agricole – Au 31 janvier 2018, la France compte 477 GIEE regroupant environ 7500 exploitations et 9000 agriculteurs (source ministère de l’Agriculture).
(2) Fermes Dephy : action du plan Ecophyto, le dispositif DEPHY a pour finalité d’éprouver, valoriser et déployer les techniques et systèmes agricoles réduisant l’usage des phytosanitaires.

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