Des prairies qui valent de l’ORE

1 février 2005 - La rédaction 
Les prairies sont un élément fort des paysages. Réservoirs de biodiversité végétale et animale, elles ont un rôle majeur dans la production de ressources alimentaires pour les ruminants. A l’INRA de Lusignan1 et de Clermont-Ferrand-Theix2, un Observatoire de Recherche en Environnement (ORE) vise à étudier l’influence des pratiques de cultures et de pâturages sur la biodiversité des prairies (végétation, microbes et faune du sol) et sur l’environnement (qualité des eaux et de l’air, état des sols).

Un dispositif d’observation de l’écosystème prairial sur le long terme…

Ce projet a été labellisé par le Ministère de la recherche sous la forme d’un ORE «prairies» (Observatoire de recherche en environnement). Le dispositif implanté à Lusignan concerne les prairies temporaires (pâturage en alternance avec des cultures arables), tandis que celui de Clermont-Ferrand-Theix concerne les prairies permanentes (pâturage et fauche) de moyenne montagne.

Carabe, coléoptère prédominant dans les prairies étudiées.

Les prairies au sens large, qu’elles soient permanentes ou temporaires, couvrent en Europe environ 20% des surfaces continentales, mais sont en déclin progressif depuis 25 ans du fait soit de leur mise en culture, soit de leur abandon et de leur retour à la friche ou à la forêt… A travers l’ORE, les chercheurs tenteront de répondre aux questions suivantes : comment la gestion des prairies influe t-elle sur leur diversité ? quelles en sont les conséquences pour la régulation des cycles du carbone et de l’azote ? comment conduire ces prairies pour optimiser ce rôle ?
L’originalité des ORE est d’étudier l’évolution d’écosystèmes sous l’action de l’homme sur le long terme (au moins vingt ans). Il existe une trentaine d’ORE en France, entre autres sur la forêt, les bassins versants, les nappes profondes, les systèmes marins côtiers.

…dispositif opérationnel au printemps 2005

Sur les deux sites, Lusignan et Clermont-Ferrand-Theix, la mise en place du projet nécessite un important travail préparatoire. Les parcelles sont divisées en unités expérimentales pour tester les différents traitements culturaux et de pâturage.
La biodiversité initiale est évaluée. Un entomologiste repertorie les espèces d’insectes à l’aide de pièges. D’autres groupes sont également répertoriés, comme les vers de terre, acariens, microor-ganismes nitrifiants et dénitrifiants.

A Clermont-Ferrand-Theix, l’accent est mis sur l’étude de la biodiversité végétale, les prairies permanentes étant caractérisées par une flore complexe. Sur les deux sites, les expérimentateurs ont aussi truffé le sol d’appareils permettant de mesurer l’humidité du sol, la température, les flux gazeux (gaz carbonique, vapeur d’eau, oxyde nitreux…). Toutes ces composantes biologiques, physiques, chimiques sont liées dans l’écosystème. Au carrefour de ces interactions se trouve la matière organique et son évolution dans le sol. La matière organique fournit les ressources énergétiques et nutritionnelles aux organismes vivants de
l’écosystème (microorganismes, plantes, faune) qui la transforment en retour. Son cycle détermine les flux de carbone et d’azote, le rejet de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et les pertes de nitrate dans les eaux de drainage. Elle est influencée par les traitements culturaux : périodicité des retournements, prélèvements et rejets des herbivores, effet des fertilisants.

Au printemps 2005, à Lusignan, des traitements agronomiques représentatifs de la diversité des pratiques agricoles dans ces systèmes seront mis en place sur les parcelles et maintenus pendant au moins vingt ans. Cinq traitements de base permettront de combiner des prairies de différentes durées avec des séquences d’environ 3 ans de culture (maïs, blé, orge) ou avec une exploitation en pâturage ou en fauche. Pour chaque traitement, les chercheurs enregistreront l’évolution des paramètres du système sol-végétation-organismes résidents.
A Clermont-Ferrand-Theix, les traitements expérimentaux débuteront également au printemps 2005. Ils consisteront à faire varier le chargement animal, donc la part d’herbe ingérée et la part d’herbe recyclée sous forme de litière. Les chercheurs compareront également l’impact d’espèces animales différentes, tant en taille qu’au niveau de leurs besoins (ovins/bovins). Ils suivront aussi les effets de la fertilisation en régime de fauche. Ils étudieront la dynamique de la flore en relation avec les évolutions de la matière organique et des organismes du sol (microfaune, flore microbienne).

Un dispositif ouvert à la communauté scientifique

Ce dispositif mis en place et supporté par les équipes de l’INRA, avec l’appui du Ministère de la recherche et du CNRS-Institut national des sciences de l’univers, sera ouvert à la communauté scientifique nationale et internationale. Actuellement, des scientifiques d’une dizaine de laboratoires extérieurs à l’INRA souhaitent utiliser ce dispositif pour des recherches d’intérêt général sur les cycles biogéochimiques, la dynamique des matières organiques en relation avec l’écologie microbienne des sols et la diversité des communautés végétales et animales.

Une base de données enregistrera l’ensemble des mesures et observations collectées sur ces deux dispositifs. Cette base de données, ouverte à la communauté scientifique, constituera une source importante pour alimenter les modèles de simulation mis au point par les différentes équipes de recherche concernées. Enfin des collections d’échantillons de sols et de plantes seront conservées et archivées. Ce matériel permettra aux générations futures de chercheurs de réaliser des mesures avec des moyens analytiques nouveaux qui ne sont pas encore disponibles aujourd’hui.

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