“La charte de l’environnement élève le niveau juridique"

20 mars 2005 - La rédaction 
Entretien avec Frédérique Agostini, sous-directrice des affaires juridiques de la direction générale de l’Administration, des Finances et des Affaires internationales du ministère de l’Écologie et du Développement durable. Le regard d’une juriste sur un texte fondateur

 

Référence environnement : Fondamentalement, qu’apporte la charte de l’environnement, quel est, de votre point de vue, le changement le plus perceptible ?

Frédérique Agostini : L’entrée en vigueur de la charte constitutionnalise le droit à un environnement sain et équilibré et confirme qu’il appartient au législateur de le mettre en œuvre. Elle constitue également une intégration solennelle dans le droit interne des principes reconnus au niveau international (ex : convention d’Aarhus (1)) ou au niveau communautaire (art. 2 et 174 et suivants du traité CE).

R.E. : Sur quel point la charte va-t-elle plus loin que le code de l’environnement et que les textes communautaires ?

F.A. : La charte proclame des principes qui figurent d’ores et déjà dans le code de l’environnement (art. L. 110-1). Mais elle en élève le niveau juridique et apporte, par l’exposé des motifs qui précède leur affirmation, une justification des droits et devoirs ainsi déterminés. Sur ce plan, elle s’éloigne du droit communautaire qui envisage la préservation de l’environnement sous l’angle des politiques communautaires. Les textes français en matière d’environnement doivent et devront continuer à respecter les principes posés par le droit communautaire.

R.E. : Une association pourra-t-elle alors, au nom du droit communautaire, saisir le tribunal administratif pour critiquer une loi conforme à la charte mais pas au texte européen.

F.A. : Les parties privées ne peuvent pas contester la conformité d’une loi à la constitution. Elles peuvent en revanche, mais uniquement par voie d’exception, soutenir que la législation interne méconnaît le droit communautaire.

R.E. : L’article 4 permettrait la réparation des dommages pour l’écologie au sens pur, contrairement au code de l’environnement. Qu’est-ce que cela signifie ?

F.A. : L’article 4 de la charte renvoie au législateur le soin de préciser les conditions dans lesquelles toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement. La prochaine transposition de la directive sur la responsabilité environnementale constituera une première étape dans la mise en place de mécanismes de réparation des dommages écologiques.

R.E. : Le principe de précaution ne prend pas en compte le risque sur la santé, toutefois l’article 1 le mentionne, une passerelle existe-t-elle ? Ce droit à un environnement respectueux de la santé suppose qu’on prenne aussi des mesures sur ce qui influe sur la santé ?

F.A. : L’article 5 ne vise en effet pas les risques sanitaires. Il appartiendra au juge de définir les conditions dans lesquelles le principe de précaution pourra être invoqué en cas de risque pour la santé humaine que l’environnement doit, en application de l’article 1er de la charte.

(1) Adoptée en application de l’article 10 de la déclaration de Rio pour la région Europe de la Commission économique des Nations unies, la convention d’Aahrus porte sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

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