Le semis direct par vocation

20 mars 2005 - La rédaction 
Pour Éric De Wulf, les techniques culturales traditionnelles sont de l’histoire ancienne. Il y a huit ans, cet agriculteur de l’Aisne a converti son exploitation aux TCS avant de passer, en 2001, au semis direct sous couvert. Convaincu par les bienfaits de la technique sur l’activité du sol, il espère contourner rapidement les difficultés de la pratique sur ses cultures de betteraves pour accroître encore le potentiel agronomique de ses terres.

Au fond de la cour d’Éric De Wulf, une vieille charrue rouillée semble ne pas avoir servi depuis longtemps. “Cela fait maintenant sept ans que je ne l’ai pas utilisée”, témoigne cet exploitant situé à Aizy-Jouy (02). C’est en 1996 que cet agriculteur à la tête d’une exploitation de 298 hectares a commencé à pratiquer les techniques simplifiées. “À l’époque, mon oncle qui avait cessé son activité m’avait proposé un combiné Dutzy pour semis simplifié, qu’il avait acheté deux ans auparavant.” Motivé par une réduction de ses charges, Éric De Wulf qui souhaite “cultiver moins cher” fait alors ses débuts dans les TCS avec cet outil. Une utilisation du matériel qui n’allait pourtant pas durer longtemps. “Ce combiné ne me convenait pas : mon tracteur consommait trop et allait s’user prématurément”, explique-t-il. En revanche, l’essai, bien que peu concluant, a donné envie à l’agriculteur de poursuivre cette démarche.

                                 De l’économie à l’agronomie

Grâce aux techniques simplifiées et au semis direct, Éric De Wulf estime favoriser l’activité biologique de sa terre.

 

 

Éric De Wulf a finalement procédé au dernier passage de charrue en 1997. Entre temps, l’agriculteur s’informe beaucoup sur les TCS, avec notamment les études de Claude Bourguignon, expert en microbiologie des sols. Il se renseigne également auprès d’autres agriculteurs pratiquant les techniques simplifiées. Sur le terrain, le producteur avoue ne pas avoir rencontré de difficultés. “Le passage du système conventionnel au simplifié ne m’a même pas posé de problèmes de désherbage et ce, quelle que soit la culture. Mes rendements n’ont par ailleurs pas diminué.” Du coup, Éric De Wulf constate une légère économie grâce à un nombre moindre d’interventions, tout en sachant que des marges de manœuvre sont encore possibles.

En parallèle, l’agriculteur prend peu à peu conscience que les TCS n’ont pas qu’un simple intérêt économique mais présentent des avantages agronomiques incontestables. Au retour d’un voyage au Brésil effectué en 2001, il est convaincu qu’il doit aller plus loin dans sa démarche. “Lors de ce séjour, j’ai rencontré Lucien Séguy, un expert du Cirad spécialisé dans le semis direct. Là-bas, les terres connaissent d’énormes problèmes d’érosion. Pour limiter le phénomène, les agriculteurs pratiquent le semis direct sous couvert sur la quasi-totalité de leurs surfaces.” Dès lors, Éric De Wulf est définitivement marqué par cette expérience et commence cette technique sur son exploitation.

Réduire au maximum les interventions

Aujourd’hui, Éric Dewulf pratique le semis direct sous couvert sur plus de 180 hectares. Et s’il le pouvait, il l’aurait adopté sur toute son exploitation depuis quelques années déjà. “Malheureusement, le semis direct n’est pas au point pour les betteraves.” Plus précisément, c’est le matériel qui n’est pas adapté. “La plupart des semoirs sont équipés de disques de même taille qui, à leur passage, enfoncent les résidus au lieu de les couper. Du coup, les semences gênées par les pailles ne se retrouvent pas en terre et ne germent pas.” La solution proviendrait alors d’un semoir équipé de disques de tailles différentes. L’agriculteur teste pourtant des semoirs à chaque campagne, et ne désespère pas de trouver le bon. “Il faudrait un disque plus grand pour trancher la terre et un plus petit pour accompagner la semence à la profondeur souhaitée”, explique-t-il. Autre raison pour ne pas faire du semis direct sur betteraves : le chantier d’arrachage, avec du matériel relativement lourd, tasse trop la terre. Pour y remédier, Éric De Wulf fait un passage avec un outil à dents pour aérer et niveler le sol avant le semis de blé.

Mises à part ces surfaces consacrées aux betteraves, l’agriculteur limite au maximum les interventions. “C’est simple : sans compter les passages pour les différents traitements et engrais, j’interviens une première fois pour semer la culture, et une deuxième fois pour la récolter. C’est tout.” L’agriculteur insiste sur le fait qu’il n’effectue aucune intervention entre la récolte fin juillet et l’implantation de la culture suivante. “Pour semer le couvert hivernal ? Juste un peu de bricolage.” Éric De Wulf a en effet équipé sa moissonneuse d’un petit semoir placé sous la barre de coupe. Ainsi, il récolte sa moisson et sème le couvert en un seul passage. “À la nuance près que les pailles qui recouvrent les graines du couvert ne sont pas bien réparties à la sortie de la moissonneuse. Je suis donc obligé d’effectuer un passage avec une herse”, précise l’agriculteur.

Un couvert systématique

Pour Éric De Wulf, il est important d’une part d’intervenir le moins possible sur ses parcelles, et d’autre part de laisser le sol travailler de lui-même. “L’idée de toute cette démarche est de rééquilibrer le sol et d’avoir un bon taux de matière organique. C’est pour cela que je ne veux pas voir ma terre nue. Le couvert permet à la fois de tamponner les excès d’eau et de températures, de résoudre les problèmes d’érosion et de recycler tous les éléments chimiques utilisés”, argumente-t-il. Pour toutes ces raisons, la réussite de son couvert est aussi importante que celle de ses cultures commerciales. “J’utilise un mélange de phacélie, de ray-grass et de radis anti-nématodes.” Ses intercultures bien gérées lui permettent de maîtriser la pression des adventices. “Je rencontre quelques problèmes de pâturin et de vulpin, mais pas plus qu’ailleurs. Quant aux nématodes, la pression diminue car, en minimisant les interventions, je favorise la vie de leurs prédateurs.”

Pour réduire les risques, l’agriculteur planche également sur la précision des traitements associée à une pratique de bas volumes. “En traitant avec des volumes d’eau compris entre 25 et 45 litres par hectare, je prépare une bouillie plus concentrée permettant de pulvériser à une vitesse plus élevée.” Avec son automoteur Spra-coupe, Éric De Wulf peut atteindre une vitesse de pulvérisation de 30 km/h. L’agriculteur estime que des marges de progrès sont encore possibles, toujours dans l’optique de préserver ses sols. Aujourd’hui, l’agriculteur ne souhaiterait aucunement revenir en arrière. “Depuis mon premier essai en TCS, j’ai progressivement appris qu’il ne fallait pas « exploiter » la terre, mais la « cultiver ».”

L’exploitation en chiffres

Éric De Wulf exploite 298 hectares à Aizy-Jouy (02) sur des terres aux potentiels assez variables : 70 % de la surface comprend des terres limoneuses avec tout au plus 20 à 25 % d’argile ; le reste de la surface est partagé entre des “cranettes”, des terres calcaires caillouteuses à moindre potentiel, le plus souvent situées en bordure de plateau, et des terres très argileuses (avec parfois 70 % d’argile). Quelques hectares de terres sableuses sont réservés à la jachère. Par ailleurs, la pratique de techniques simplifiées et du semis direct sous couvert n’ont pas affecté ses rendements, sauf pour les betteraves pour lesquelles il espère rapidement trouver des solutions.

Éric Van de Putte, responsable de la Fnacs

Une bourse d’échange sur les TCS et le semis direct

La Fondation nationale pour une agriculture de conservation des sols (Fnacs) a été créée en 2001 à l’initiative de trois agriculteurs. Son responsable national, Éric Van de Putte, en justifie l’existence : “la fondation est née car de nombreux agriculteurs n’obtenaient pas d’informations suffisantes en matière de TCS et de semis direct”. L’association regroupant 400 adhérents organise des tours de plaine à l’occasion desquels ces derniers se retrouvent et échangent sur les matériels et les techniques de chacun. À cette bourse d’échanges s’ajoute, depuis mars 2005, la création d’un réseau d’agriconsultants, parmi les producteurs qui ont une certaine expérience. “Le but de cette prestation de services est de renseigner, à la demande, les agriculteurs intéressés par les techniques simplifiées et les couverts environnementaux”.

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